Nicolas Guichon, 2006, Langues et TICE. Méthodologie de conception multimédia, Paris, Ophrys, coll. Autoformation et enseignement multimédia, 173 p., ISBN 978-2708011557. par Daniel Modard (Université de Rouen - Laboratoire LIDIFra) |
Proposer aux enseignants des outils théoriques et méthodologiques leur permettant de mieux s'approprier les TICE (Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Enseignement), tel est l'objectif que s'est fixé Nicolas Guichon au travers de son ouvrage intitulé Langues et TICE. Méthodologie de conception multimédia. En s'inscrivant résolument dans une perspective actionnelle (l'auteur cherche avant tout à construire des " savoirs d'action " chez le lecteur), la démarche qu'il préconise se veut avant tout pragmatique. Comme indiqué dans le titre, c'est la conception multimédia qui sert d'assise à la réflexion de l'auteur en même temps que d'exemple. En effet, la mise en place d'un dispositif de ce type suppose un aller et retour constant entre la maîtrise des outils informatiques utilisés, la compréhension de l'apport de ces mêmes outils à l'apprentissage et des connaissances opérationnelles en didactique des langues. En suivant le parcours de Nicolas Guichon, le lecteur est invité à s'intéresser à la façon dont un apprenant parvient à maîtriser des outils innovants (psychosociologie), à la façon dont ce même apprenant interagit avec une interface (ergonomie) et aux processus d'apprentissage d'une langue étrangère (psycholinguistique). Par ailleurs, la conception multimédia permet de se rendre compte de façon concrète que l'association d'équipes mixtes (auteurs, spécialistes de l'apprentissage, didacticiens, informaticiens, graphistes, etc.) conduit forcément à faire dialoguer des logiques didactiques (savoirs théoriques), des logiques pédagogiques (connaissance du public cible et du contexte) et des logiques informatiques (potentialités technologiques), ce qui n'est pas toujours le cas d'ordinaire.
L'ouvrage prend appui sur une recherche-développement menée à
l'Université Lyon 2, celle-ci ayant abouti à la création
d'un dispositif d'apprentissage médiatisé (Virtual Cabinet ) conçu
pour développer des compétences de compréhension de l'oral
et de production écrite (en anglais) chez des apprenants inscrits dans
un cursus universitaire et préparant le CLES 2 (Certificat de Compétence
en Langues de l'Enseignement Supérieur). Ce dispositif d'apprentissage,
tel qu'il est décrit par Nicolas Guichon, se présente de la façon
suivante : Après s'être identifié, l'étudiant qui
utilise Virtual Cabinet se trouve devant une galerie de portraits représentant
cinq ministres du gouvernement britannique. Il est invité à imaginer
qu'il occupe un poste de conseiller auprès de l'un de ces ministres et
qu'il doit l'aider à prendre une décision relative à un
projet de loi. Dix-huit projets portant sur des questions vives en Grande-Bretagne
(la vidéosurveillance, l'intégration des enfants sourds dans le
système éducatif, l'égalité salariale entre les
sexes
) lui sont proposés. Lorsqu'il a choisi son sujet, l'étudiant
entre dans son bureau pour élaborer une note de synthèse destinée
au ministre qui l'a chargé de rédiger un rapport sur la question.
Pour mener à bien sa tâche, il peut avoir recours à trois
types de supports : un reportage vidéo authentique mettant en situation
des personnes avec des points de vue divergents, un entretien apportant des
éléments d'appréciation concrets (chiffres, pourcentages
)
au travers d'une discussion entre un(e) journaliste et un(e) protagoniste de
la situation, une conversation entre deux personnages récurrents (Bob
et Sharon) qui représentent l'opinion publique. Pour élaborer
sa synthèse, il dispose, par ailleurs, de différents outils :
dictionnaire unilingue et calepin, notamment. Grâce à ce calepin,
l'étudiant va pouvoir planifier sa note de synthèse, l'enrichir
à partir de points de vue différents et la corriger. Tout au long
de son parcours, l'étudiant est non seulement amené à développer
des connaissances concernant le système politique britannique, mais aussi
à acquérir un lexique approprié pour aborder une question
donnée ou encore à maîtriser le registre de langue adapté
pour s'adresser à un ministre. L'étudiant peut également
confronter son opinion sur le projet de loi qu'il a choisi dans le cadre d'un
forum auquel peuvent participer les autres membres de son groupe classe. La
prise de notes est une première étape puisque le résultat
attendu est un texte qui s'enrichit au gré des informations recueillies
(micro-tâches) et des apports des interlocuteurs rencontrés. Ce
texte est ensuite envoyé à un enseignant-tuteur qui donne son
avis sur le contenu du rapport qui lui est transmis et sur sa forme. Cet enseignant
joue en fait le rôle du ministre auquel on soumettrait un rapport et des
recommandations.
Le dispositif d'apprentissage analysé dans l'ouvrage de Nicolas Guichon
constitue l'aboutissement d'une recherche au cours de laquelle des savoirs mobilisés
pour l'action sont venus se juxtaposer à des savoirs construits dans
l'action. Les deux premiers chapitres explicitent les fondements théoriques
et méthodologiques préalables à la conception multimédia.
Les trois chapitres suivants proposent des éléments clés
pour concevoir un dispositif d'apprentissage médiatisé. Le dernier
chapitre présente plusieurs méthodes pour évaluer les dispositifs
ainsi conçus et recueillir des informations utiles pour enrichir les
connaissances des concepteurs.
Nicolas Guichon stigmatise certaines croyances visant à considérer
que les TICE seraient dotées de potentialités qui opéreraient
de façon quasiment automatique (stimulation de la motivation chez les
apprenants, respect de leur profil d'apprentissage, accroissement de l'attractivité
de l'enseignement qui deviendrait ainsi plus ludique, plus interactif, plus
individualisé
) tout en reconnaissant qu'il s'agit probablement
là d'une étape incontournable lors de l'apparition d'un nouvel
outil technologique. Face à ces affirmations, l'auteur adopte une position
homéostatique : il affirme que " les TICE n'ont un effet réel
que lorsqu'elles s'inscrivent avec pertinence dans un dispositif approprié
". Cette position rejoint celle de nombreux autres chercheurs qui estiment
aujourd'hui que le véritable gain des TICE ne se mesure que par la valeur
ajoutée que ces nouveaux outils apportent à l'apprentissage.
On ne pourrait que souscrire aux idées mises en avant par Nicolas Guichon
s'il n'était pas gagné, à certains moments, par un optimisme
indéfectible qui le conduit à considérer que les TICE seraient
aujourd'hui banalisées. Si elles le sont du point de vue de la connaissance
que les enseignants en ont (il suffit de se rendre dans n'importe quel colloque
consacré à l'enseignement pour voir que les multimédias
sont omniprésents), elles le sont nettement moins du point de vue de
leur intégration réelle dans les cursus d'enseignement. De même,
certains points de vue avancés par l'auteur gagneraient à être
nuancés. En effet, il est difficile de considérer que la première
génération de ressources multimédia se résumerait
à des cours en ligne proposant des textes informatifs assortis de questions
ou à des réalisations conduisant à revaloriser le béhaviorisme.
Si de tels produits existent bien, on ne peut pas considérer qu'ils sont
représentatifs d'un ensemble de réalisations dont la diversité
reste souvent la principale caractéristique. De nombreux articles publiés
dans les années 90 mettent en exergue des points de vue qui apparaissent
encore aujourd'hui comme " novateurs ". La seule différence
est que les auteurs de ces travaux appelaient de leurs vux la mise en
place de dispositifs qui sont aujourd'hui devenus réalité. S'il
est parfaitement exact que l'option " faire mieux avec les TICE "
dominait largement dans les premières années de l'émergence
de ces technologies, il n'est pas certain que celle qui consiste à défendre
l'option du " faire autrement " se soit réellement imposée
de nos jours. Dans ce débat comme dans bien d'autres d'ailleurs, il est
impossible de faire abstraction des premiers utilisateurs (dans le cas présent,
les formateurs), de leurs habitudes et des stratégies d'enseignement
qu'ils mettent en uvre.
Nicolas Guichon pose cependant les bases d'une réflexion de fond sur
l'intégration pédagogique des TICE. C'est en ce sens qu'il a parfaitement
raison d'insister sur le fait que des ressources " brutes ", si performantes
soient-elles, doivent toujours être accompagnées de scénarios
pédagogiques susceptibles d'aider les enseignants à les intégrer
dans leurs démarches. C'est dans cette perspective qu'il propose une
nouvelle notion qu'il considère comme centrale dans sa conception des
TICE : celle de " dispositif d'apprentissage médiatisé ".
Cette notion a le grand mérite de prendre en compte le contexte institutionnel
qui devient alors " le cadre naturel dans lequel il convient de penser
l'innovation " (page 14). Elle induit également l'idée de
" transférabilité pédagogique " dont il est souvent
question lorsque l'on aborde la question des TICE. Ces notions ne sont pas nouvelles,
mais il est rare qu'elles soient théorisées de façon aussi
précise alors qu'il devient urgent, de nos jours, d'uvrer pour
que " les produits de l'innovation deviennent des objets collectifs "
susceptibles d'être utilisés par le plus grand nombre. L'auteur
explique clairement quelles sont les implications de tout dispositif d'apprentissage
médiatisé et illustre son point de vue en se référant
à diverses expériences, dont celle de " Cultura " mettant
en relation des étudiants américains et français à
partir d'une plate-forme (Furstenberg, Levet et Maillet, 2001). Il montre, en
particulier, qu'à partir du moment où les technologies informatiques
ont été mises à la disposition des apprenants (ce qui n'était
pas le cas d'autres technologies comme le magnétoscope ou le magnétophone
qui étaient d'abord utilisées par les enseignants), il a fallu
repenser le déroulement de l'apprentissage en introduisant une scénarisation
et un renouvellement des modes de régulation pédagogique.
Tout au long de son ouvrage, Nicolas Guichon réaffirme l'ancrage de sa
réflexion dans les théories constructivistes en insistant sur
le fait que l'apprentissage n'est pas le fruit d'une accumulation d'informations,
mais qu'il est plutôt la résultante de la confrontation et de l'intégration
de connaissances nouvelles à des connaissances plus anciennes, ce processus
reposant sur deux opérations essentielles : l'assimilation et l'accommodation.
De même, il insiste sur l'idée que la compréhension d'une
langue étrangère passe d'abord par la compréhension d'une
autre culture et le fait d'accepter de modifier ses propres représentations
en agissant " avec l'autre ".
Virtual Cabinet constitue une bonne illustration du type de dispositif d'apprentissage
médiatisé tel qu'il est préconisé par l'auteur.
Utilisé depuis 2003 par des étudiants de Lyon 2 et d'autres Universités
partenaires, il s'inscrit clairement dans cette double perspective culturelle
et cognitive. Dans le cas présent, la langue est envisagée dans
sa visée pragmatique puisque l'aboutissement du travail de l'apprenant
consiste à produire une note de synthèse. Pour atteindre cet objectif,
les étudiants sont invités à s'engager dans un projet d'apprentissage
construit autour de la culture de l'autre : ils ont accès à des
documents authentiques (reportages de télévision) et réalistes
(entretiens et conversations) qui abordent un même sujet de l'actualité
britannique. En travaillant sur le contexte d'apprentissage, Nicolas Guichon
fait la démonstration qu'une véritable valeur ajoutée peut
être apportée à l'apprentissage d'une langue étrangère
grâce à une médiatisation bien pensée de cet apprentissage.
La visée praxéologique qu'il adopte tout au long de son ouvrage
le conduit à privilégier des démarches dans lesquelles
il insiste sur le fait que tout didacticien engagé se doit d'aboutir
à une réalisation concrète susceptible d'être utilisée
par des apprenants réels dans un contexte réel. Dans ce cadre,
il présente trois types d'approches possibles dans le domaine de la médiatisation
de l'apprentissage (industrielle, artisanale et expérimentale) au travers
d'un tableau synoptique qui montre clairement quels ont été ses
propres choix et leurs implications et qui souligne l'originalité de
son approche. Celle-ci est l'aboutissement d'une recherche-développement
contextualisée qui vise, entre autres, à éprouver des savoirs
dans l'action pour mieux les théoriser. Celle-ci emprunte les notions
d'utilité sociale et de confrontation avec le réel à l'appareil
théorique de la recherche-action et met en avant la notion de processus
rationalisé propre à la recherche-développement.
Nicolas Guichon nous montre qu'il n'y a jamais de réponse toute faite
dans le domaine des TICE. En effet, la didactique et la technologie se présentant
avant tout comme des disciplines de l'ajustement, elles impliquent de fait une
improvisation maîtrisée. Pour illustrer son point de vue, celui-ci
met en parallèle deux situations (les concepteurs sont majoritairement
extérieurs à l'institution qui produit le dispositif d'apprentissage
médiatisé ou au contraire ils y appartiennent) et souligne les
avantages et les inconvénients de ces deux cas de figure. Il en arrive
à la conclusion suivante : le succès et la pérennité
d'une innovation dépendant en grande partie de son inscription dans un
contexte pédagogique et institutionnel, une équipe bien au fait
de la culture du contexte institutionnel et de celle des utilisateurs (le concepteur
fait partie de l'institution dans laquelle on élabore le produit) bénéficiera
d'un avantage certain.
Partir des besoins des utilisateurs potentiels en les mettant en relation avec
des objectifs institutionnels bien définis pour un niveau donné
(cf. le Cadre européen commun de référence pour les langues)
constitue, à l'évidence, un premier pas dans un processus de conception.
Selon Nicolas Guichon, cette réflexion doit être associée
à une démarche pour mieux appréhender les situations d'apprentissage
auxquelles tout concepteur sera confronté :
- La première étape consiste à dresser un état des
connaissances sur une compétence donnée et à choisir un
modèle théorique adapté à la situation que l'on
a déterminée et au public que l'on vise (recherche bibliographique,
analyse des produits existants
) ;
- Il convient ensuite de mettre au point une tâche proche de celle qui
sera médiatisée afin de la tester auprès d'un public restreint,
l'objectif étant de recueillir un premier corpus ;
- La troisième étape consiste à formuler un ensemble d'hypothèses
à partir du corpus constitué des productions recueillies (écrites,
sonores ou vidéo). Pour ce faire, on procède à un échantillonnage
aussi représentatif que possible en sélectionnant une partie du
corpus initial à partir des régularités observées
;
- En procédant à un travail de comparaison et de systématisation,
un ensemble d'inférences en relation avec les stratégies mises
en uvre par les apprenants est ensuite établi ;
- Après une confrontation avec des expérimentations du même
type déjà menées et relatées au travers d'articles
ou d'ouvrages (travail bibliographique), on pourra voir si l'on obtient des
résultats similaires. Si ce n'est pas le cas, il faudra alors revoir
les protocoles mis en uvre. Les résultats ainsi obtenus permettront
aux concepteurs de ne pas se fonder sur leurs seules intuitions, mais d'objectiver
leurs choix en se référant à des connaissances précises.
Quelle que soit la démarche adoptée, Nicolas Guichon considère
que trois questions fondamentales devront être posées avant de
s'engager dans tout processus de conception :
1- Le projet est-il faisable ? Il s'agit d'envisager l'adéquation du
dispositif à des ressources humaines (disponibilité des participants
),
technologiques, financières, matérielles ou juridiques (autorisations
légales, etc.)
2- Le projet est-il utile ? Est-ce qu'il répond à des attentes
réelles ?
3- La médiatisation apporte-t-elle une valeur ajoutée à
l'apprentissage ? Profite-t-on suffisamment de la mutilmodalité et de
la multiréférentialité ? (terminologie utilisée
par T. Lancien, 1998).
De telles démarches sont cependant réservées à des
projets d'envergure qui font souvent l'objet d'adaptations et de reconfigurations
selon une démarche qui va des objets intermédiaires (développement
de prototypes) à des objets finis.
Nicolas Guichon rappelle par ailleurs qu'un site multimédia peut être
organisé selon différentes structures, soit de manière
centralisée, linéaire, en étoile ou pyramidale, soit grâce
à une combinaison de ces différentes possibilités. C'est
cette dernière alternative qu'il a choisie pour Virtual Cabinet. Pour
mener à bien un tel projet, celui-ci insiste également sur l'importance
de prévoir un " cahier des charges " bien structuré
permettant de mettre en adéquation le projet de recherche tel qu'il a
été pensé à l'origine et l'objet final auquel le
concepteur souhaite aboutir (résultat du développement). L'une
des principales qualités du travail de Nicolas Guichon est probablement
d'avoir théorisé une démarche qui est habituellement mise
en uvre sans véritable recul et sans réflexion approfondie
sur les implications des choix opérés. Dans ce cadre, il insiste
sur l'importance de la démarche adoptée qui se situe clairement
dans une perspective actionnelle mettant la notion de tâche au centre
de ses préoccupations. Pour illustrer son point de vue, l'auteur donne
l'exemple de trois types de tâches qui conduisent à traiter de
façon moins superficielle l'information en langue étrangère
: les simulations médiatisées, les cyberquêtes et les situations
problèmes. Les simulations médiatisées sont construites
sur le format du scénario dans lequel les apprenants sont amenés
à jouer des rôles pour mener à bien des tâches complexes
(simulation du fonctionnement d'un hôpital, d'une ville ou d'un immeuble).
La cyberquête se présente sous la forme d'une recherche d'informations
sur des sites internet présélectionnés par l'enseignant,
cette recherche ayant pour objet de résoudre une tâche impliquant
la participation active des apprenants. Les situations problèmes, quant
à elles, s'apparentent à des projets hors-ligne même si
elles supposent, au préalable, une recherche d'informations sur internet.
L'auteur insiste tout particulièrement sur la simulation en raison de
sa principale caractéristique : sa volonté de déguiser
l'acte d'apprentissage sous la forme d'un jeu (s'octroyer la possibilité
" d'agir comme si ")
Dans les derniers chapitres, Nicolas Guichon s'intéresse à la
conception de micro-tâches qu'il définit comme des unités
de pratique cognitive centrées sur des aspects linguistiques, pragmatiques
ou socioculturels spécifiques. Il met également l'accent sur l'importance
des régulations qui permettent le déroulement optimal de l'activité
d'apprentissage. En ce qui le concerne, il en distingue quatre types : les consignes,
les explications, les " alertes " et les rétroactions. Toutefois,
si de telles régulations sont envisageables dans une situation de classe,
il considère qu'il est plus difficile de les imaginer dès lors
que l'on fait intervenir un outil technologique. En effet, le traitement automatique
des langues ne propose pas encore de solutions adéquates pour traiter
la production de sens. Dans le cadre de l'apprentissage médiatisé,
Nicolas Guichon préfère confier les rétroactions aux enseignants.
En lisant l'ouvrage de Nicolas Guichon, on découvre combien l'enseignant
qui met en uvre un dispositif d'apprentissage médiatisé
joue un rôle fondamental. C'est ce qu'il souligne en esquissant quatre
profils d'enseignants face à l'appropriation d'une innovation technologique
:
- des enseignants qu'il qualifie de " désemparés ".
Ils se caractérisent par une attitude de rejet ou de fuite face aux innovations
qu'ils ne maîtrisent pas ;
- des enseignants qualifiés de " suivistes ". Ils se posent
des questions relatives à l'efficacité, la pertinence, l'adéquation
de ce type d'outil pour l'apprentissage d'une langue et lorsqu'ils adoptent
cet outil, ils le font de façon résignée ;
- des enseignants qualifiés de " volontaristes ". Ils se montrent
ouverts à l'innovation et se saisissent du système même
s'ils continuent à exprimer une certaine réticence vis-à-vis
des TICE en général ;
- les enseignants considérés comme des " experts ".
Ils analysent avec beaucoup de soin l'application qu'on leur propose et cherchent
à voir ce que les TICE peuvent leur apporter en tant que valeur ajoutée
à l'apprentissage.
Au travers de son ouvrage, Nicolas Guichon montre que l'adoption d'un dispositif d'apprentissage médiatisé dépend non seulement de la qualité de son contenu (valeur intrinsèque), mais aussi du potentiel pédagogique qu'il représente (valeur extrinsèque). En suivant son cheminement, on est amené à s'intéresser à la scénarisation de l'apprentissage et à la conception de dispositifs d'apprentissage médiatisé pour les langues. On y redécouvre certaines vérités, dont la plus fondamentale est probablement que l'appropriation des TICE nécessite du temps car elle s'inscrit nécessairement dans un processus. Le choix de l'auteur de se centrer sur la conception multimédia est d'autant plus pertinent qu'il conduit le lecteur à analyser toutes les étapes venant ponctuer la mise au point d'un dispositif multimédia : la définition des besoins des apprenants, l'écriture d'un scénario, la conception des tâches proposées, le développement d'une interface et l'évaluation globale du dispositif ainsi mis au point. A travers les choix qu'il opère, Nicolas Guichon nous montre que la meilleure façon de s'approprier une innovation est de l'inscrire dans un projet. Une telle proposition ne constitue pas une révélation en soi, mais elle atteste que les TICE ne peuvent pas être pensées en dehors d'une réflexion au service de l'apprentissage. Ce n'est qu'à cette condition que pourront émerger des réalisations alliant véritablement la didactique des langues et la recherche en informatique appliquée à l'apprentissage.
Bibliographie
FURSTENBERG G., LEVET S., MAILLET K., 2001, " Giving a virtual voice to
silent language of culture : the Culturea project ", Language learning
and Technology Journal, vol. 5, n°1, pp. 55-102.
GUICHON N., 2005, " Evaluation du potentiel d'apprentissage d'une tâche
médiatisée ", Revue ASP n° 47-48, pp. 121-138.
LANCIEN T., 1998, Le multimédia, Paris, Clé international.
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