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La norme
actes du colloque tenu le 24 novembre 1976 à Rouen
Présentation : une
conjoncture scientifique des années 70 par
Jean-Baptiste Marcellesi
Je tiens d'abord à remercier l'équipe
qui avec Claude Caitucoli et Clara Mortamet travaille à la
numérisation des "Cahiers de linguistique sociale".
Ce n'est pas sans émotion que je reprends ce n°1, numéro
fondateur en quelque sorte. Je retrouve les textes et la personnalité
de tous les auteur(e)s de contributions et pense aussi bien aux
vivants qu'aux disparus :
Louis Guespin vaincu par la maladie en décembre 1993, alors
qu'il venait de prendre sa retraite ; Daniel Baggioni tué
dans un accident de la route près de Néoules dans
le Centre Var alors qu'il rentrait vers Aix, sa fac, après
avoir l'avant-veille assisté à Nans à la conférence
sur Zola et l'Affaire dreyfus que le professeur André Daspre
nous avait faite au "Cercle de l'Union Démocratique" et Bernard Gardin qui, après son départ à
la retraite, n'aura eu qu'une année de souffrances alors
qu'il avait tant de projets à mener à bien. J'ai du
mal à parler d'eux car quand je parle d'eux comme des disparus
j'ai un peu l'impression d'entériner et de valider leur décès
alors que je me souviens encore de tant de choses qu'ils ont faites,
qu'ils ont dites, nous enrichissant de leur savoir, de leur intelligence
et de leur amitié.
Cela m'amène aussi à faire l'histoire
de notre groupe et de notre équipe telle qu'elle était
à l'époque. C'est une affaire étrange. Assistant
à Nanterre de 1967 à 1970, j'ai été
nommé "Chargé d'Enseignement" à
la Faculté des Lettres de Rouen en 1970 : on nommait ainsi
les "Maîtres-Assistants" qui faisaient le travail
de "Maîtres de Conférence", (2e classe
des Professeurs d'Université actuels) sans en avoir ni le
rang officiel, ni (bien sûr) le salaire. André Winther
avait été nommé assistant la même année.
Affecté sur le poste laissé vacant par Jacqueline
Pinchon nommée à la Sorbonne Paris III, j'avais trouvé
à "l'Institut de Linguistique Moderne de Rouen",
alors simple fraction des Lettres Modernes, Denis Slakta (qui nous
quitta en 1971, nommé lui aussi "chargé d'enseignement" à Caen), Louis Guespin et mon épouse Christiane
née Hocques. Quant à Bernard Gardin, il était
professeur de Lettres à Epinay-sur-Seine mais, "chargé
de cours" à l'Ecole Normale d'Evreux, à la demande
de Jacqueline Pinchon, pour l'Université de Rouen (il a été
recruté comme assistant à l'Institut de Linguistique
de Rouen en 1971). Mais nous avions des liens de travail et d'amitié
avec une série de personnes dispersées dans l'hexagone
(on en trouve la liste dans le numéro 25 de Langue Française
"l'Enseignement des "Langues Régionales"" (page 11). Nous étions nombreux dans l'équipe
à travailler dans une perspective marxiste, ce qui éclairera
certains débats : je ne guillemetterai pas le mot : nous
ne l'employions pas à tout bout de champ mais je n'ai pas
changé, ni sur le plan philosophique, ni dans le domaine
euristique, même si les Etats qui se sont réclamés
tels auraient eu intérêt à l'être vraiment.
Nous nous réunissions d'abord dans le sous-sol
de notre villa au Petit-Clamart, avant notre déménagement
pour Rouen, ou chez Louis et Jeannine Guespin qui habitaient alors
près du parc Montsouris à Paris. C'étaient
des journées entières très enrichissantes.
A tour de rôle, chacun de nous présentait un travail
de son choix et nous le discutions avec, comme principe, de nous
conduire comme des lecteurs malveillants. Nous invitions aussi tel
ou tel spécialiste selon les sujets.
C'est peu à peu que les nécessités d'intégrer
ce travail dans l'emploi du temps rouennais nous ont conduits à
nous réunir à la Faculté des Lettres de Rouen
à Mont-Saint-Aignan. Dans la première année
de ma présence à MSA, l'Université de Rouen
avait invité les enseignants de la Faculté des Lettres
à former des "équipes de recherche". Le
terme nous paraissait mystérieux et lointain. J'ai profité
des deux journées nationales du SNESup sur la recherche universitaire,
pour m'enquérir sur cette demande de l'Université.
Et quand j'ai exposé au scientifique lillois Cortois, responsable,
je crois, de ces journées, ce que nous faisions, il m'a répondu
que nous étions comme M. Jourdain : nous avions fait une
"Equipe de Recherche" sans le savoir. Il a ajouté
(mais c'était sans doute par amitié), que si toutes
les équipes scientifiques fonctionnaient ainsi, ce serait
une excellente chose. En tout cas l'Université de Rouen a
jugé comme lui et nous a catalogués comme "groupe
de recherche". C'est ainsi que sont nés le "GRECO" et le "CALEF". Le nom de GRECO ne venait pas
d'une attirance particulière pour la peinture italienne.
Il s'agissait de faire admettre dans une Fac de Lettres coupée
de la Sociologie une équipe sociolinguistique sans trop nous
faire soupçonner de faire un travail
de sociologues
(ce que nous n'étions pas). D'où le signe de GRECO
(en toutes lettres - quand même ! "Groupe de recherche
sur la covariance lexico-syntaxique et sociale"), mais le
sigle GRECO suffisait généralement. D'où aussi
"linguistique sociale". Quant au CALEF, c'était
le "Centre d'Applications de la Linguistique à l'Enseignement
du Français" rendu nécessaire pour gérer
tout le travail de recherche qu'il fallait faire dans les Ecoles
Normales (c'était une des conquêtes de 68 sur ce plan).
La responsable du CALEF a été pendant longtemps Christiane
Marcellesi qui avait reçu des crédits pour des heures
d'enseignement de la linguistique aux normaliens mais aussi aux
professeurs des Ecoles Normales, des Collèges et des Lycées.
Quant au GRECO, il avait décroché à sa première
demande en 71 des crédits de recherche (à l'époque
une enveloppe de 10.000 francs ! une manne !). Il faut noter que,
au cours de toute notre histoire, les envieux et les minables embusqués
dans les instances de gestion ont toujours essayé d'empêcher
notre développement universitaire, alors que les conseils
scientifiques attachés au développement des centres
de Recherches rouennais ont toujours apprécié
mieux que nous (!), l'importance de notre groupe. C'est ainsi que,
alors que nous n'y pensions pas le moins du monde, nous avons eu
en 1984 la visite de Mme Brocard, mandatée par le Conseil
Scientifique de l'Université : elle nous a fait savoir au
nom de celui-ci que nous avions été considérés
comme l'une des deux équipes de la Faculté des Lettres
susceptibles d'obtenir une "Unité de Recherche Associée
au CNRS". Volens nolens nous avons fait la demande qui a abouti
à l'URA CNRS 1164 SUDLA, ancêtre modeste de l'actuel
DYALANG.
Les principaux travaux de longue haleine de cette époque
ont été la collaboration de quatre membres de l'équipe
au Dictionnaire de Linguistique devenu par la suite des Sciences
du Langage dirigé par notre ami Jean Dubois : les co-auteurs
étaient rouennais (L. Guespin, Christiane Marcellesi, Jean-Baptiste
Marcellesi) ou travaillaient avec le groupe (Mathée Giacomo).
Subsidiairement, B. Gardin a rédigé quelques articles
importants sans être co-auteur. Ce dictionnaire qui a connu
des éditions dans diverses langues (Espagnol, Portugais,
Coréen, Japonais, Italien, Allemand) est encore publié
de nos jours. Vint ensuite "l'Introduction à La Sociolinguistique,
la linguistique sociale". Bernard Gardin à qui on doit
les pages 90 à 204 et moi avons aussi publié une année
après cet ouvrage qui a connu des traductions en Espagnol,
Portugais, Italien. Autre exemple de notre travail collectif le
Numéro de la revue Langue Française sur "l'Enseignement
des Langues Régionales" qui avait abouti à un
mini-colloque de discussions sur les contributions.
Au début de 1976, il y a six enseignants du Supérieur
à l'Institut de Linguistique de Rouen. Ils forment le noyau
du GRECO qui comprend aussi des "Chargés de Cours"
nécessaires compte tenu des effectifs importants d'étudiants.
Le principe du groupe est de garder une entière autonomie
vis-à-vis de Paris (notamment de Paris X-Nanterre où
nous faisions nos thèses avec Jean Dubois et Louis Guilbert
et Paris V) mais de développer une grande diversité
de contacts et de relations, outre ces deux universités,
avec Montpellier, Perpignan, Grenoble, Aix en Provence etc. et peu
après les accords avec Leipzig.
La journée qui a abouti au numéro 1 des CLS avait
été organisée plus spécialement par
le CALEF et la publication du volume avait été confiée
à Christiane MARCELLESI-HOCQUES
Pour qu'on comprenne la diversité des situations que nous
rencontrions, je rappellerai une anecdote. J'étais chargé
d'une intervention hebdomadaire en "sociolinguistique scolaire" à l'Ecole Normale de Mont-Saint-Aignan. A la fin de
l'année un des élève-maîtres, des plus
attentifs et assidus, est venu me trouver et m'a dit "ce que
vous nous avez enseigné est passionnant mais j'aurais aimé
que vous nous disiez quelle forme de français il faut enseigner". Patatras !
Au cours de la journée sur la norme, le souhait a été
émis que nous réalisions un fascicule à partir
des textes des communications et interventions. A la relecture
nous avons décidé de transformer l'ensemble en un
volume ronéotypé, et de le baptiser N°1 des Cahiers
de Linguistique Sociale. La "revue" était née,
sans officialisation, sans comité de rédaction, sans
abonnés, sans programme de parution régulière
etc. C'est dire qu'au départ, les CLS, c'était plutôt
une collection qu'une revue. Du reste le sort que nous lui avons
réservé pendant plusieurs années est révélateur.
L'année suivante quand nous avons programmé le "
1er colloque international de sociolinguistique en France"
et qu'il en est sorti les deux magnifiques volumes édités
par Bernard Gardin aux Publications de l'Université de Rouen
(et au Presses Universitaires de France), nous avons considéré
qu'ils constituaient les deux numéros suivants des C.L.S.
Je ne m'étendrai pas sur ces deux volumes fondateurs et sur
la suite : c'est une nouvelle étape qui commence pour le
département, le GRECO et le CALEF, avec le recrutement de
Régine alors Legrand après le décès
de Geneviève Chauveau ; avec la possibilité de soutenir
des thèses de linguistique à Rouen, dans le cadre
d'une formation de "Lettres Modernes et Linguistique".
On avait dû inscrire chez nous des étudiants de thèse
de Paris X Nanterre, à la suite du décès de
notre cher Louis Guilbert en 1977. La première soutenance
à Rouen a été celle de Philippe Dresco, thésard
nanterrais, et elle a été suivie de peu de la thèse
de Félix-Lambert Prudent, actuellement professeur à
la Réunion et directeur de la " Revue d'Etudes Créoles
" qui était un étudiant rouennais. Tournant aussi
provoqué par une maladresse ou une tentative de croc-en jambe
: lors du renouvellement de l'habilitation du doctorat des Lettres
Modernes, la linguistique a été oubliée. D'un
coup tordu est sorti un bien : nous avons demandé et obtenu
le Doctorat de Linguistique d'abord et le DEA ensuite (puis la Maîtrise
et la Licence) en Sciences du Langage. Le futur DESCILAC s'est fait
par le haut : d'abord par la recherche et ensuite par les habilitations
avec une progression du haut vers le bas. C'est la fin de la conjoncture
des années 70.
Bref voici un premier numéro dont je n'ai à vous dire
ni le contenu détaillé ni les préoccupations
des participants ; la lecture vous apprendra tout. Merci de nous
lire !
Sommaire et téléchargement
des articles
Aide et conseils pour le téléchargement
Cahiers de linguistique sociale n°1, La norme,
1976
Téléchargement de l'ensemble du numéro
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Présentation par Jean-Baptiste
Marcellesi |
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Norme et enseignement du français par Christiane
Marcellesi
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Les problèmes de la norme par J. P. Kaminker
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Description d'une pratique dans les
classes de troisième : la correction des rédactions
par Joëlle Réthore
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Pour un point de vue relativisé et historicisé
sur la norme par Daniel Baggioni
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Norme et hégémonie linguistique
par Jean-Baptiste Marcellesi
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Norme et grammaticalité : la grammaire générative
est-elle normative ? par André Winther
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Discussion par P. Brasseur, J.P.
Kaminker, D. Baggioni, J.B. Marcellesi, B. Gardin, P. Quereel,
L. Guespin, J.P. Goldenstein, A. Winther
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Quelques remarques par Bernard Gardin
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La norme dans la logique du fait "langage"
par Louis Guespin
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