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Réactions
des lecteurs
Réaction au Numéro 3 : La littérature
comme force glottopolitique: le cas des littératures francophones Par
Bernard Zongo | La lecture du papier
de présentation proposé par Claude Caitucoli m'a inspiré
quelques réflexions que je souhaiterais partager avec les contributeurs
du N° 3 de Glottopol. La première, qui, à mon sens, est centrale
en tant qu'elle détermine la circonscription du champ du questionnement
et partant le corpus et même la réflexion théorique présupposée
est celle-ci : quel contenu attribuer au syntagme "littératures francophones"
? Autrement dit, quels auteurs sont susceptibles d'être sollicités
par l'étude ? quelles oeuvres littéraires ? Reposer une question
à laquelle une réponse de compromis a été déjà
proposée n'a pas pour finalité d'envenimer le débat, une
telle démarche cherche à offrir des pistes de réflexion qui
se résument à ces quelques axes. 1) Des limites
de l'espace francophone et de la francophonie : Lorsqu'en 1880, dans un contexte
colonial, le géographe français Onésime Reclus forge la notion
de francophone (France, Algérie et colonies), il en limite les contours
à l'ensemble des populations utilisant le français, simple constat.
En 1887, Reclus prône un élargissement de la francophonie au sens
de "ensemble ou partie du monde francophone", orientation impérialiste
de la notion. Dans les années 1962, la notion de francophonie devient concept
sous la plume de Senghor et se charge d'une dimension glottopolitique en ce qu'il
crée et installe la dichotomie français/francophone. En 1986, dans
leur Dictionnaire général de la francophonie, Luthi, Viatte
et Zananiri classent les pays francophones en deux catégories : les pays
de langue française (Québec, France, Wallonie, Suisse romande) et
les pays d'expression française (anciennes colonies fançaises).
Pour d'autres encore, la francophonie couvre 4 aires géographiques (cf.
Littérature francophone - Anthologie - ACCT, 1992, p.10). Ces variations
montrent que toute définition de la francophonie "repose sur une idéologie
discutable" comme le souligne Caitucoli. La question qui reste pendante est
qu'il faut opérer un choix qui n'est pas sans conséquence sur l'élection
des auteurs et du corpus.
2) La question du corpus et des auteurs
: on a choisi de définir un écrivain francophone comme un auteur
"qui rédige son oeuvre ou une partie de son oeuvre en français
alors que cela ne va pas de soi". Il s'agira alors de s'interroger sur la
manière dont ces mêmes écrivains se définissent. On
est loin du consensus. Des auteurs comme Mongo Béti, Abdouramane Wabéri,
Calixte Béyala récusent l'idée qu'on puisse faire une distinction
- une ségrégation - entre auteurs africains et auteurs français.
Pour ces auteurs, un auteur ne vise qu'une chose : l'universalité. Dans
le dernier chapitre de sa Littérature nègre, Jacques Chevrier
propose les résultats d'une enquête sur la question, sa lecture est
édifiante. Un autre exemple de la difficulté à définir
l'identité francophone ou française d'un auteur, de son uvre
renvoie aux différentes formes de désignation de la littérature
africaine, pour ne citer que celle-là : "littérature africaine",
"littérature nègre", "littérature d'Afrique
noire" ou encore "littérature négro-africaine". Et
pourtant toutes ces dénominations - exemple de glottopolitique désignative
- traitent en gros des mêmes auteurs, des mêmes oeuvres et des mêmes
problématiques. 3) La question de la méthodologie
et du cadre de référence théorique. L'angle d'attaque exposé
dans le projet est la mise en évidence des "rapports entre les oeuvres
littéraires et les réalités sociolangagières".
Il conviendra peut-être de solliciter les présupposés et les
démarches de la sociocritique (Lucien Goldman, Pour une sociologie du
roman, mais aussi Pierre Zima qui montre dans son Manuel de sociocritique
un exemple de relation entre la structure narrative, les personnages de L'Etranger
de Camus, et la situation sociolinguistique des années 30 et 40). Dans
cette même optique - avec un décalage temporel et/ou spatial - des
oeuvres comme La carte d'identité de Jean Marie Adiaffi, Les
soleils des indépendances d'Ahmadou Kourouma, Ville cruelle
d'Eza Boto, Soliloques de Kateb Yacine constituent des exemples intéressants.
En effet, les années qui précèdent et suivent les Indépendances
offrent des périodes suffisamment datées pour servir de base à
la démonstration que la littérature peut consti
une force glottopolitique. Une autre question est celle de l'établissement
d'indicateurs de francité, d'africanité, de maghrébité
ou autres de l'oeuvre retenue. Sur la base de quels critères peut-on attribuer
le label de "francophone" dans son opposition à "français"
à un auteur, une oeuvre ?
L'origine de naissance ne me semble
pas un critère fiable : quelle différence y a-t-il entre Batouala
de René Maran et Voyage au bout de la nuit de Céline ? Albert
Camus : auteur français ou francophone ? L'esthétique littéraire?
Les choix thématiques ? La mise en mots ? L'écriture ? ce dernier
élément me paraît être un critère opératoire.
En effet, les auteurs négro-africains par exemple ont procédé
à des choix de langue(s) qui, diachroniquement, constituent une sorte de
continuum : oeuvres en langues nationales, oeuvres en français mais chargées
de vernacularismes lexicaux revendiqués (La Carte d'identité,
Les soleils des indépendances), oeuvres en français mais
marquées dans la mise en mots par une présence en filigrane de la
littérature orale (Senghor, Kourouma des derniers romans), oeuvres en français
sans marqueurs d'africanité (Calixte Béyala, Abdouramane Wabéri,
le Mongo Béti des derniers romans). Le discours épilinguistique
des auteurs et des publics lecteurs : ce qui nous amènera à définir
l'esthétique d'une "oeuvre francophone" à travers le double
prisme de l'auteur et des publics destinataires. On pourra alors avoir recours
aux travaux d'Umberto Eco (typologie des lecteurs) et de Jauss (esthétique
de la réception). On ne m'en voudra pas d'avoir été
quelque peu redondant dans mon propos, mais le flux de réflexions à
proposer et l'urgence combinés en sont la cause. Pour
ma contribution au N° 3 de la revue, je proposerai un article dont le titre
est : "La dimension glottopolitique du concept de Négritude". Bonne
lecture à tous
Réaction au Numéro 3 : La littérature comme
force glottopolitique: le cas des littératures francophones Par Normand Labrie | Le
texte de l'appel à contributions me semble parfait. L'idée de traiter de littérature
comme force glottopolitique me plaît bien. La lecture de ce texte suscite deux
réflexions chez moi : Peu importe où il écrit, l'écrivain
doit toujours faire des choix vis-à-vis les variétés de langues qu'il utilisera,
allant soit vers une variété standard normée, soit une variété plus vernaculaire,
et que ces choix représentent une activité glottopolitique, dans le sens où il
accepte, refuse, ou choisit de s'adapter aux conditions du marché (de l'édition,
de lecteurs), et où il contribue à légitimer la variété de langue qu'il choisit. Aussi,
le travail de l'écrivain s'inscrit dans le processus de changement linguistique
de par son caractère créatif, en cherchant sans cesse à transgresser les normes
établies, à innover par rapport aux conventions du moment, et ainsi à échapper
aux codificateurs de la langue. La création littéraire est un acte glottopolitique
dans la mesure où elle fait de la langue un objet en voie de transformation, servant
d'instrument d'émancipation, de moyen d'échapper au contrôle social. Mais en même
temps, les codificateurs, et en particulier les lexicographes, s'appuient abondamment
sur la littérature pour légitimer les choix qu'ils font dans leur activité de
standardisation. Le processus de transgression des normes de l'écrivain, est sans
cesse récupéré par les agents de la standardisation linguistique. Bon
succès pour ce numéro. Normand Labrie | |