Revue de sociolinguistique en ligne | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
N°21 | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Sommaire
ISSN : 1769-7425 |
Présentation par Marie-Madeleine BertucciLe numéro 21 de Glottopol ’est donné pour objet de contribuer à l’étude des lieux de ségrégation sociale et urbaine, à travers les tensions linguistiques et didactiques qui s’y manifestent. En effet, si les effets de la ségrégation en termes d’inégalités spatiales et sociales sont bien connus et ont été le sujet de nombreuses études scientifiques et d’écrits de vulgarisation, les conséquences linguistiques et didactiques de ces processus de minoration ont été moins diffusées, ce qui les rend peut-être moins perceptibles et de ce fait plus insidieuses. Au premier rang des facteurs de discrimination figurent les accents, qui contribuent à assigner à résidence les locuteurs, en vertu d’interprétations souvent sans nuances, masquant la réalité des pratiques langagières, comme le montre Médéric Gasquet-Cyrus dans son article sur la configuration triangulaire des accents à Marseille : « Perspectives dynamiques sur la ségrégation sociolinguistique en milieu urbain : le cas de Marseille ». L’étude de Médéric Gasquet-Cyrus fait apparaitre que l’opposition spatiale Nord/Sud, emblématique de Marseille, n’est pas suffisante pour analyser la situation de la ville. Il souligne que cette vision traditionnelle est battue en brèche par la présence conjointe d’au moins trois accents : l’accent marseillais populaire traditionnel considéré comme l’accent des « vrais Marseillais », celui dit des « quartiers Nord », et enfin celui de la bourgeoisie marseillaise, répandu sur une aire incluant le Sud et une partie du centre-ville. L’existence d’un quatrième accent, identifié comme celui des « néo-Marseillais », et résultant de l’apparition d’une nouvelle catégorie de locuteurs, contribue à complexifier la situation. L’auteur met ainsi en évidence que les pratiques langagières métissées ne se concentrent pas uniquement dans les quartiers déshérités et que le centre-ville n’a pas le privilège de la langue normée. L’article atteste l’existence de deux autres « cibles ségréguées », outre celles des quartiers Nord. Ces cibles sont souvent méconnues et visent des locuteurs issus des rangs de la bourgeoisie marseillaise ou désignés comme des « néo-Marseillais ». Médéric Gasquet-Cyrus contribue, de ce fait, à mettre en évidence un réagencement normatif et identitaire de la ville de Marseille, qui tend à augmenter plutôt qu’à réduire les lieux de ségrégation et qu’il interprète comme une conséquence de la globalisation. Au-delà, l’article questionne le cadre épistémologique de la sociolinguistique urbaine en appelant à une sociolinguistique de la globalisation, voire à une sociolinguistique de la mobilité, apte à saisir l’approche des « identités sociales en mouvement », mises en lumière par les processus de ségrégation abordés ici. Cette dialectique identitaire conduit à poser, au bout du compte, la question de savoir ce que c’est qu’« être Marseillais » de nos jours. L’article de Mylène Lebon-Eyquem intitulé, « Débordements et reterritorialisation sociolinguistiques en milieu créole réunionnais », met en évidence l’apport des études créoles à la sociolinguistique. Dans cet article, la notion de lieu est métaphorique. Elle y désigne en fait une reterritorialisation conceptuelle et conduit à une remise en question de la place accordée aux variétés haute et basse, dans le modèle diglossique binaire ou à l’opposition entre français et créole, entre acrolecte et basilecte sur l’échelle du continuum. En effet, l’auteure montre comment les analyses désormais classique, (i) de la diglossie réunionnaise, héritées de Ferguson, (ii) du continuum linguistique, forgées par Michel Carayol et Robert Chaudenson, ne correspondent plus à la réalité réunionnaise contemporaine, marquée par le métissage, tant de la population que des langues. Le cadre théorique classique se trouve alors battu en brèche et le « mêlement » des parlers, les paroles « maillées », appellent de nouvelles analyses, et notamment celle de la notion d’interlecte, élaborée par Lambert-Félix Prudent, qui à son tour a posé la question du contact et de la frontière entre les langues. Il devient donc difficile dans ces conditions d’attribuer une variété de langue à un espace, en en faisant de surcroit, une variété pure et descriptible. De plus, et c’est ce que souligne la contribution de Mylène Lebon-Eyquem, la reconnaissance du métissage linguistique et des pratiques interlectales est également d’ordre sociopolitique, car elle tend à coïncider avec certains des enjeux de la société réunionnaise, particulièrement avec la légitimation de la notion de pluralité. En effet, selon l’auteure, si l’interlecte est privilégié dans les communications informelles, il est dénoncé dans les autres contextes et le « schéma diglossique canonique » qui fait du créole, la variété basse et du français, la langue de prestige, ’impose dans le contexte scolaire, renforce les effets d’opposition binaire et de discrimination, tant sur le plan social que linguistique, et finit par constituer un obstacle à l’instauration d’une approche fondée sur la notion de pluralité, en renforçant le statut minoré des pratiques interlectales. Certaines positions scientifiques ne saisiraient pas suffisamment, selon l’auteure, la complexité de la notion d’interlecte, quand elles l’associent aux approches européennes des langues en contact, comme les concepts de « parlers bilingues », de « marques transcodiques », ou de « compétences plurilingues ». Ces notions sont légitimes dans d’autres contextes. Quand elles visent à décrire le mélange avec un appareil théorique qui le fige et le stabilise, au lieu de mettre en évidence sa fluidité, elles le sont moins. Au bout du compte, l’analyse de Mylène Lebon-Eyquem montre que, tant sur le plan sociolinguistique que sur le plan politique, c’est la défense du créole comme langue à part entière, qui a contribué à la minoration des formes interlectales, au maintien de la perception bipolaire de la situation linguistique réunionnaise et indirectement d’une forme d’idéologie monolingue, qui ne va pas dans le sens de la diversité et du métissage. Ces derniers éléments, selon l’auteure, constituent des traits particulièrement représentatifs de la société réunionnaise. Finalement, les processus de ségrégation ne seraient plus ceux auxquels on ’attendrait a priori. Ainsi pour l’auteure, la montée en légitimité du créole en tant que langue aurait déplacé la dynamique discriminatoire du créole vers les pratiques interlectales, et contribuerait à les disqualifier.
L’article de Rosa Pugliese et de Valeria Villa, « Contraintes et tensions sociolinguistiques en Italie, pays d’immigration », interroge la notion de lieu de ségrégation en mettant en évidence des formes de ségrégation sociale et régionales, qui interrogent les modalités d’intégration des migrants, et se manifestent à travers le traitement réservé à la variété diatopique. On peut en observer les manifestations à travers le dispositif du test de connaissance de la langue italienne d’une part, et par les débats sur la prise en compte didactique des dialectes régionaux, et leur impact sur l’insertion des migrants d’autre part. L’ambiguïté de ce test, comme le montrent les auteures, est qu’il n’est pas un instrument neutre de mesure de la compétence linguistique des migrants mais qu’il est porteur d’une dimension politique, vecteur d’exclusion potentiel, (i) de par la faiblesse de la formation linguistique dispensée aux candidats au test, (ii) par l’absence d’évaluation des compétences orales de locuteurs, qui peuvent ne pas être alphabétisés dans leur(s) langue(s) d’origine, (iii) par l’impact des exigences du test sur les contenus de la formation proposée aux migrants. Cet ensemble de faits conduit les auteures à faire l’hypothèse que ce test incarne un choix de politique linguistique, qui a pour finalité d’orienter les dispositifs d’une gestion de l’immigration en Italie, dotée de visées restrictives. La gestion des flux de l’immigration incarnée dans le test s’accompagne d’un débat sur les contenus, résultant de la spécificité de la situation linguistique italienne et du « plurilinguisme endogène », marqué par la vitalité des dialectes régionaux et des variétés régionales d’italien. Il a constitué, il y a quelques années, une revendication pour certains partis politiques régionalistes, notamment pour la Ligue du Nord, revendication relayée par les médias, qui présentent la compétence dans les dialectes comme un signe d’intégration des migrants dans le tissu local. Pour contrer les formes de discrimination susceptibles de résulter de cet état de fait, Rosa Pugliese et Valeria Villa plaident pour l’instauration d’un test prenant en compte la réalité de la situation sociolinguistique italienne, et donc la variation diatopique, mais aussi les compétences linguistiques effectives des migrants. Opérant un retour à la sociolinguistique urbaine, et à la façon dont se disent les identités urbaines stigmatisées, les deux articles suivants, proposés par Souheila Hedid à propos de la ville de Constantine et par Isabelle Boyer au sujet des cités des banlieues sensibles hexagonales approchent les mécanismes de discrimination qui affectent leurs habitants. Ces articles s’intéressant notamment à la notion de frontière, commune aux deux textes et aux enjeux de la mobilité urbaine, particulièrement lorsqu’ils concernent l’aptitude des locuteurs à faire évoluer leurs références culturelles, quand ils sont relogés ou qu’ils changent de quartier. Isabelle Boyer dans « Habiter la cité : expériences de ségrégation ou d’ouverture à l’autre ? » a pour but de montrer, à travers « une étude qualitative du discours de jeunes vivant dans des quartiers sensibles » les représentations qu’ils se sont construites de la vie dans ces quartiers, et de déterminer jusqu’à quel point ils ont intériorisé les processus ségrégatifs qui affectent les cités. L’analyse se fonde sur l’idée que la cité est « un contexte culturellement marqué », le contexte étant compris comme le « milieu de référence de l’individu », pertinent pour l’étude de l’environnement des jeunes de banlieues. L’étude du discours qu’ils tiennent sur la cité constitue un moyen d’accès à leurs représentations ou plus précisément à la partie « verbalisée et verbalisable » de celles-ci sur la ségrégation, perçue globalement comme « une différence de traitement », (i) « dans les médias », (ii) en milieu scolaire, (iii) dans la vie professionnelle. Comme Souheila Hedid, Isabelle Boyer souligne la solidarité qui fonde les relations sociales dans la cité. Loin du repli communautaire, les jeunes font apparaitre qu’elle est un lieu de métissage et d’échanges, même si une certaine ambivalence teinte parfois ces propos comme le montre l’article. Au total, Isabelle Boyer, comme Souheila Hedid, soulignent à l’évidence que la perception de la ségrégation varie selon que les informateurs franchissent les frontières, et sortent ou non de l’espace clos de la cité ou du bidonville. L’accès à d’autres espaces urbains modifie les représentations et permet d’éviter le repli sur l’endogroupe. Il semble atténuer ainsi la perception du processus de ségrégation. La deuxième partie de ce numéro « Impact scolaire de la ségrégation linguistique et inégalité des langues » comprend quatre articles. Les deux premiers articles traitent des processus de ségrégation dans le cadre scolaire, à travers la question de la reconnaissance de la diversité linguistique et culturelle. La ségrégation scolaire est définie par Françoise Lorcerie comme une organisation segmentante et clivante pour les élèves. Cette segmentation pèse sur leur évolution scolaire et leurs chances de réussite. Marie-Madeleine Bertucci montre d’abord en quoi l’« école de la périphérie » constitue un cadre ségrégatif, et ensuite comment la discrimination s’applique particulièrement aux langues et aux cultures d’origine des élèves. Dans un second temps, à partir des résultats d’une enquête de terrain, Véronique Nante et Cyril Trimaille étudient les représentations que se forment des enseignants du premier degré de la région de Grenoble sur les langues familiales de leurs élèves, et sur le type de bilinguisme qui les caractérise. Marie-Madeleine Bertucci propose un article dont le thème est « La diversité culturelle et linguistique à l’école de la périphérie : de facteur de ségrégation à instrument de l’inégalité des chances ? ». La méthodologie retenue noue étroitement la question scolaire à la question urbaine, et considère que les questions scolaires et sociales peuvent être interprétées comme le produit de certains processus de discrimination urbaine. L’article est fondé sur la notion empruntée à Agnès Van Zanten d’« école de la périphérie », définie comme un cadre ségrégatif à un triple niveau : social, économique et ethnique. La périphérie, qu’on peut également désigner comme l’espace de la banlieue précarisée, est un espace marqué par les difficultés socio-économiques, mais aussi par la diversité linguistique et culturelle, compte tenu du grand nombre d’élèves issus de l’immigration qu’on rencontre dans ces établissements scolaires. L’auteure pose la question de savoir si cette diversité, occultée par le modèle universaliste et monolingue qui prévaut à l’école, ne devrait pas être valorisée et s’il ne faudrait pas s’appuyer sur la diversité linguistique et culturelle pour transmettre la culture commune, afin de passer d’une égalité formelle à une égalité réelle. C’est une préoccupation déjà exprimée par le Conseil de l’Europe, qui insiste sur la nécessité de promouvoir l’enseignement des langues d’origine, afin de faciliter l’intégration des migrants. Enfin, la hiérarchie des langues dans le contexte scolaire peut constituer un facteur supplémentaire d’inégalité et de ségrégation et affecter les locuteurs d’une forme d’insécurité, tant linguistique qu’identitaire, source potentielle de vulnérabilité, dans un contexte de communication interculturelle. Ceci conduit l’auteure à se demander si la reconnaissance de la diversité linguistique et culturelle à l’école ne permettrait pas d’accorder une légitimité à des élèves minorisés par leur plurilinguisme, et de lutter ainsi contre les mécanismes de ségrégation. Véronique Nante et Cyril Trimaille dans « à l’école, il y a bilinguisme et bilinguisme » proposent les résultats d’une enquête de terrain effectuée dans la région de Grenoble, sur les représentations d’enseignants d’écoles maternelles et élémentaires, au sujet des langues familiales des élèves, scolarisés dans leurs classes. L’objectif de l’article est de mesurer l’influence de l’idéologie monolingue et de la conception traditionnelle du bilinguisme comme double monolinguisme, très présentes à l’école, sur les représentations des acteurs du système scolaire. Véronique Nante et Cyril Trimaille se donnent pour objet d’étudier la part langagière de ces processus de ségrégation dans leur triple dimension : spatiale, socio-économique et symbolique, et ce dans l’espace scolaire. Les auteurs font l’hypothèse que l’école contribue au maintien, voire à la reproduction des phénomènes de discrimination, notamment en matière de pratiques langagières. Comme dans l’article précédent, les auteurs mettent en évidence les effets de discrimination qui s’attachent aux pratiques linguistiques et culturelles minoritaires, et plus généralement au plurilinguisme des élèves migrants. Les résultats de l’enquête montrent que les représentations que les enseignants se forment du bilinguisme varient selon la localisation de l’école où ils exercent et la nature des langues que parlent leurs élèves. Ainsi, s’ils enseignent dans des espaces ségrégués, à des élèves locuteurs de langues minorées, et en proie à des difficultés scolaires, ils seront rétifs à l’idée de considérer leurs élèves comme bilingues. Les auteurs soulignent qu’ils ne saisiront pas, de fait, le bilinguisme comme un atout et qu’ils en auront une représentation négative et stéréotypée, renforcée par sa proximité avec les pratiques langagières métissées. Les enseignants interviewés se rejoignent pour critiquer ce qu’ils nomment « le mélange des langues », néfaste, selon eux, à l’apprentissage de la langue de scolarisation. La qualité de bilingue est attribuée dans l’enquête de Véronique Nante et Cyril Trimaille aux élèves locuteurs de ce que l’école appelle les « langues vivantes étrangères ». Dans cette enquête, ces élèves sont scolarisés dans des zones non ségréguées et issues de milieu socio-économique favorisé. Les résultats confirment donc l’intuition initiale des auteurs, qui postulaient la prédominance de l’idéologie monolingue, en dépit des recommandations, en faveur du plurilinguisme de différents acteurs institutionnels et du Conseil de l’Europe. Cécile Goï et Emmanuelle Huver soulignent le potentiel ségrégant de l’école à partir de l’étude des modalités de prise en compte de cette diversité pour le public, désigné par l’institution comme celui des « élèves nouveaux arrivants » (ENA).
Cécile Sabatier, Danièle Moore et Diane Dagenais proposent un article à la croisée de la sociolinguistique urbaine et de la didactique du plurilinguisme, dont le titre est « Espaces urbains, compétences littéraciées multimodales en immersion française au Canada ». à partir de la métaphore de la ville comme texte, dans laquelle la cité est perçue comme un espace de signes à déchiffrer, les auteures déclinent l’idée que la ville constitue également un espace privilégié d’apprentissage, pour une approche située et écologique de la littéracie visant l’appropriation de la diversité linguistique et culturelle, dans la mesure où elle constitue un paysage linguistique. Pour les auteures, la littératie englobe les pratiques sociales nécessaires à la compréhension d’un texte, ainsi que les contextes et les supports dans et sur lesquels les textes ont été produits. Les lieux urbains mettent en exergue les relations sociales que nouent les locuteurs entre eux, et les langues en présence en offrant des « contextes d’apprentissage complexes », qui permettent de mettre en œuvre une didactique du paysage linguistique. L’objet de la recherche est constitué par les rapports au paysage linguistique d’élèves d’une classe d’immersion française de 5-6èmes années d’une école primaire de la région de Vancouver, en Colombie-Britannique. Les activités proposées aux élèves les conduisent à aborder la question de la ségrégation, et à s’interroger sur le statut des langues en présence, dans une situation de bilinguisme officiel, et de contacts de langues (autochtones et d’immigration), dès lors que ces langues sont visibles, ou absentes de l’environnement graphique et visuel urbain. La visée didactique est d’amener les élèves à prendre conscience du processus de minorisation sociopolitique et linguistique, attaché à certaines langues et révélé par le paysage linguistique urbain. Elle a également pour finalité de développer chez les élèves une forme de participation citoyenne, et de réflexion critique, afin qu’ils soient à même de comprendre la densité sémiotique des discours appréhendés, au moyen de ces littératies multimodales, dans le cadre plus général de ce que Cécile Sabatier, Danièle Moore et Diane Dagenais appellent une « didactique sociale de l’urbain ». Au total, on constatera que les articles de ce numéro permettent d’interroger certaines des notions essentielles de la sociolinguistique urbaine, des études créoles, et de la didactique dans le cadre théorique d’une réflexion sur les langues, fondée sur les notions de pluralité et de diversité. Ces dernières se traduisent par une hétérogénéité et une instabilité, qui coïncident avec la fluidité et la quasi-liquidité des sociétés contemporaines, résultant des échanges et des migrations, autorisés par le contexte de la mondialisation. Bibliographie CARAYOL M., CHAUDENSON R., 1978, « Diglossie et continuum linguistique à la Réunion » dans Les Français devant la norme, Champion, Paris, pp. 175-190. Sommaire
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Résumés
A partir de travaux de terrain menés depuis une dizaine d’années, le texte propose une réflexion sur les processus de ségrégation sociolinguistique à l’œuvre aujourd’hui à Marseille. Après une présentation de la césure « historique » nord/sud expliquée par la configuration et les peuplements de la ville, l’attention se portera au-delà des territoires traditionnellement stigmatisés (les « quartiers Nord ») pour ’intéresser à d’autres cibles de ségrégation sociolinguistique : les « bourgeois » de Marseille et leur gestion ambiguë de l’accent local, ainsi que les « néo-Marseillais » arrivés massivement dans les années 2000, aux stratégies identitaires complexes. Il ’agit ainsi d’observer dans quelle mesure les changements urbains (récents ou inscrits dans une longue durée) et la mobilité accrue de groupes sociaux inégalement répartis dans l’espace (notamment à travers un processus de gentrification), modifient les dynamiques sociolinguistiques locales. Ce qui est en jeu, ce sont non seulement les pratiques (variation et changement dans les usages), mais également la reconfiguration des normes, des relations de pouvoir et des modalités d’appartenance dans une ville déjà marquée par une identité singulière. L’analyse des pratiques langagières changeantes et des discours glottopolitiques produits dans une grande ville comme Marseille nous permettent peut-être de mieux comprendre ce que nous disent les processus de ségrégation sur les identités sociales en mouvement, en milieu urbain et dans un monde globalisé.
A La Réunion, il est constaté une revendication croissante de la valorisation du créole, langue vernaculaire, ainsi que la profération d’un discours plus serein autour des formes métissées. Toutefois, la « décrispation » se cantonne à des contextes énonciatifs informels et dès qu’il est question d’évaluer les usages langagiers dans des espaces institutionnels, les attitudes se modifient, le discours devient plus tendu : les formes intermédiaires retrouvent les stigmates affectés au basilecte, elles deviennent l’objet d’un interminable procès en pureté normative. Cette contribution se propose de mettre alors en évidence la nouvelle territorialisation des « camps » sociolinguistiques ainsi que la discrimination dans cet espace insulaire. Mots clés : Stigmatisation, discrimination, territorialisation, contacts créole-français, interlecte, macro-système, conflit linguistique, hiérarchie diglossique, minoration, glottophobie, espace scolaire, idéologie nationaliste, revendication identitaire, formes intermédiaires, norme.
Les contraintes et les tensions sociolinguistiques au centre de cette contribution sont liées à la question de l’intégration sociale des citoyens immigrés en Italie. Elles sont abordées notamment à travers deux événements linguistiques : le test de connaissance de la langue italienne et le débat sur les initiatives concernant l’enseignement des dialectes régionaux. Ces éléments sont ici traités comme composantes du processus d’intégration linguistique, notre but général étant d’essayer d’en élucider sa complexité, dans le contexte italien, là où cette question peut concerner aussi bien la langue nationale que les dialectes avec lesquelles les citoyens étrangers sont en contact. Mots clés : Intégration sociale et linguistique, immigration, test de langue italienne, apprentissage des dialectes
Une grande partie des travaux en sociolinguistique urbaine traitent les discours épilinguistiques des locuteurs. La présente étude porte sur un travail de terrain qui interroge les représentations des familles urbaines sur la mobilité socio spatiale dans la ville algérienne. Le fait est que cet espace est en perpétuelle reconfiguration, le déplacement des populations d’un quartier à un autre engendre une restructuration de l’ordre social et un changement des pratiques langagières des locuteurs. Parallèlement, l’on suppose une redéfinition des représentations sociolinguistiques que ces derniers tiennent sur les différents espaces qu’ils occupent. La mise en mots de cette mobilité se modifie en fonction de l’espace occupé par les locuteurs, les jugements des autres sont aussi un facteur important dans ce processus. En ’appuyant sur une enquête de terrain auprès des familles déplacées d’un quartier bidonville à un quartier HLM, nous essayons d’étudier la mise en mots de cette mobilité socio-spatiale dans la ville de Constantine en Algérie.
Vivre en cité ou en banlieue dite sensible est souvent entaché de notions de discrimination ou de ségrégation car cet espace semble constituer l’archétype des problèmes sociaux, surtout depuis les émeutes de 2005. Le présent article a pour propos de présenter une étude qualitative du discours de jeunes vivants dans des quartiers définis comme sensibles de l’agglomération de Cergy-Pontoise. Des entretiens semi-directifs ont été effectués dans le but d’appréhender une part de leurs représentations de la vie en cité, à partir de l’analyse de leur discours. Le choix de travailler sur la partie verbalisée des représentations se justifie par le fait que la façon de nommer perdure dans l’imaginaire collectif, et participe à l’élaboration de la réalité sociale. Il ’agira de tenter de déterminer quelle part de stigmatisation ils ont intégré ou pas, ’ils ressentent la vie en cité comme un contexte générateur de discrimination ou bien ’ils en ont une image beaucoup plus positive voire une vision de cohésion, de lien social, d’ouverture vers l’alter. La volonté est également de montrer qu’il existe une grande variabilité de situations et d’histoires de vie qui ne peuvent aboutir à une vision unique, réductrice de la manière dont ces jeunes perçoivent la ségrégation lié à l’espace dans lequel ils évoluent. Mots clés : Jeune de banlieue, représentation, ségrégation, vie en cité.
La diversité linguistique et culturelle est-elle un facteur de discrimination dans le contexte ségrégué de l’école de la périphérie ? La méthodologie retenue prend le parti d’intriquer étroitement les problèmes sociaux et scolaires et de considérer qu’ils sont le résultat de certaines formes de ségrégation urbaine. Adossé à la notion d’école de la périphérie, l’article ’efforce de mettre en lumière les processus qui fabriquent de l’inégalité. Ils se situent à un triple niveau : social, économique et ethnique. Dans ce contexte inégalitaire, la diversité est-elle un élément supplémentaire de discrimination ou un atout en faveur de la mise en place de plus d’égalité des chances ? La reconnaissance de la diversité linguistique et culturelle à l’école, ne permettrait-elle pas d’accorder une légitimité à des élèves minorisés par leur plurilinguisme, et de lutter ainsi contre les mécanismes de ségrégation ?
Dans un contexte où l’idéologie plurilingue, promue notamment par le Conseil de l’Europe, trouve des relais dans les discours officiels au sein de l’Éducation nationale en France, cette contribution ’intéresse aux représentations qu’ont des enseignant.e.s du bilinguisme et de la diversité linguistique présente dans un grand nombre de classes ordinaires. Elle montre que l’École française est un espace social où l’idéologie monolingue et la hiérarchisation des langues demeurent prégnantes.
Cet article se propose d’interroger les modalités de reconnaissance, de prise en compte et de traitement didactique de la diversité linguistique et culturelle à l’école pour le public institutionnellement catégorisé comme « élèves nouveaux arrivants » afin d’identifier de possibles processus d’inclusion / exclusion (voire de ségrégation) liés à une population scolaire allophone. Il ’agira notamment de montrer en quoi de tels processus, et les pratiques qui leur donnent corps, sont en étroites interrelations avec les représentations, les postures, voire les imaginaires des acteurs. Pour ce faire, les auteurs ’appuieront sur différentes expériences de recherche, et notamment sur le programme Parcours d’apprenants, altérité, diversité (PARAADIV). Mots clés : Altérité, catégorisations, dispositifs, enfants nouveaux arrivants, insertion, pluralité, représentations, ségrégation / inclusion.
L’espace urbain, par le biais de son paysage linguistique et culturel, permet d’étudier les voix de la ville en lien avec les questions d’écologie linguistique et culturelle, de plurilinguisme, de littératies multimodales ou encore de rapports au et de pouvoir par le biais de la visualisation (ou l’absence) des langues. Inspirée des approches situées et écologiques, et ancrée dans la sociolinguistique urbaine, cette contribution révèle comment des déplacements dans la ville d’élèves en immersion française (grade 5 et 6) en Colombie-Britannique (Canada), et la lecture qu’ils font du paysage linguistique urbain permettent de construire des compétences multidimensionnelles en littératie tout en développant une conscience sociale de la diversité linguistique et culturelle. Mots clés : didactique du plurilinguisme ; paysage linguistique ; littératie ; identité citoyenne, éveil aux langues ; immersion française
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