Revue de sociolinguistique en ligne | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
N°7 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Sommaire
ISSN : 1769-7425 |
Présentation par Richard SabriaL'intitulé de ce numéro appelle quelques précisions. La juxtaposition des termes "sociolinguistiques" et "linguistiques" est choisie à dessein pour caractériser la réalité de la recherche française en langues des Signes. Les chercheurs réunis ici partagent, au delà de la diversité de leurs objets, une ligne éthique et des objectifs. Engager une étude sur la LSF, c'est choisir de travailler sur une langue à l'histoire chaotique ; c'est aussi choisir de travailler sur une langue dont l'existence même est le lieu de conflits linguistiques, identitaires et sociaux. Qu'elle soit abordée en langue ou en discours, la question linguistique oblige d'emblée les chercheurs à se positionner, tant le poids des représentations sociales de la surdité est prégnant dans leurs protocoles de recherche. La connaissance et la reconnaissance du terrain déterminent la qualité scientifique des recherches et posent de fait le problème du réglage de la distance de ces chercheurs avec un terrain clivé par la problématique de l'appartenance communautaire, laquelle renvoie aux questions de l'appartenance linguistique, identitaire et sociale. Le chercheur sera évalué selon sa capacité à résoudre l'équation qui se pose entre l'identification de son terrain de recherche et la préservation de sa distance scientifique. Entreprendre des recherches sur le terrain glissant des LS, de la surdité, fait naître, au fil du temps, des sympathies et des antipathies dont chacun(e) doit se départir s'il ne veut prendre le risque de se retrouver aspiré par les représentations, par les fonctionnements en stéréotypes ou par les systèmes de valeurs propres à ce terrain. Ne pas connaître les fonctionnements, les spécificités du terrain constitue une gageure ; les reprendre à son compte invaliderait la démarche et l'esprit scientifiques de l'entreprise. Enfin, la recherche sociolinguistique entreprise sur la LSF et ses
locuteurs partage avec la recherche linguistique descriptive la fraîcheur
du champ. Les premiers travaux français ont une trentaine d'années. Ce numéro de la revue GLOTTOPOL s'est ouvert à la présentation de travaux sociolinguistiques et linguistiques afin d'encourager le développement d'études qui se définiraient non pas par la différence des approches mais par la complémentarité de leurs contributions dans la production des connaissances scientifiques sur les LS et leurs locuteurs. Les chercheurs en Sciences du Langage qui partagent le terrain des LS savent que cette position ne relève pas d'une forme d'cuménisme mais d'une réponse scientifique à la récurrence des effets et processus de minoration que connaissent les LS, en France mais aussi dans le monde. La recherche sociolinguistique en LS est très modeste en domaine français. Elle se résume aux travaux de Markowicz, de Millet. Les travaux sociolinguistiques rouennais se sont développés, depuis une dizaine d'années, sous l'impulsion de Sabria. Ces travaux sont dédiés à l'observation des conflits linguistiques qui ont ponctué et ponctuent le débat sur l'éducation des Sourds et leur intégration dans l'organisation sociale, culturelle, linguistique mais également à l'observation du discours que les Sourds tiennent sur eux, sur leur socialisation, sur leur rapport à la langue, aux langues. La recherche linguistique française n'a véritablement commencé, en France, qu'à partir de 1979 sous l'impulsion de Cuxac qui reprenait les premiers travaux anglo-saxons de Stokoe. Ces premières études relancèrent le débat sur l'existence linguistique des langues signées, débat qui avait été évacué dans le modèle saussurien puis dans les théories structuralistes. Les premières études phonologiques de Stokoe devaient montrer qu'il existait bien une double articulation dans les LS. Ce fut le point de départ du développement de la recherche dans le champ avec deux tendances observables en diachronie. La première envisage la description linguistique des LS à partir des modèles opérationnels pour les langues orales. La deuxième, représentée par Cuxac, étudie les dynamiques d'économie spatiale pour comprendre les processus d'iconicisation mobilisés lors de productions linguistiques signées. Cette dernière approche se fixe d'identifier des structures de type transférentielles en praxis dans les structures morpho-syntaxiques des LS. L'approche iconique, et le modèle sémiogénétique de Cuxac ont permis le développement de nombreuses recherches linguistiques. Cette proposition théorique jette les bases d'un débat linguistique de premier ordre. Le modèle est, comme tout modèle, perfectible comme nous le verrons dans les propositions d'Agnès Millet et d'Annie Risler qui ne le remettent pas fondamentalement en cause. Il a à mes yeux, le grand mérite d'exister et d'alimenter des échanges vifs et stimulants dans la petite communauté des chercheurs en LSF. L'article de Richard Sabria, partant d'une synthèse des recherches sociolinguistiques rouennaises appliquées à une langue minoritaire (LSF), insiste sur l'extrême complexité et hétérogénéité des processus de construction, d'affirmation, de revendication identitaires. Les questions identitaires occupent une position centrale mais elles font immanquablement émerger d'autres questions plus générales touchant, entre autres, à la place du bilinguisme dans le système éducatif français traditionnellement monolingue, au statut des langues et cultures minoritaires, à la politique des langues, à la politique scolaire, à la place de l'altérité dans l'organisation sociale française. Dominique Boutet et Brigitte Garcia actualisent un débat portant sur la pertinence d'envisager la conception d'un modèle de représentation écrite des LS. Leur réflexion met en exergue, alimente un questionnement récurrent sur les systèmes de notation, de transcription dans le délicat passage de la dimension spatiale et temporelle à un système linéaire intégrant des éléments compositionnels. Leur contribution intéresse la communauté des chercheurs en LS qui sont confrontés aux questions de la prise en compte et de l'analyse de leurs données filmées. Mais, au-delà de l'entreprise linguistique ambitieuse, Dominique Boutet et Brigitte Garcia nous interrogent sur ce qu'induirait une forme d'écriture des LS dans les processus de leur transmission et dans la dynamique de leur normalisation. Annie Risler nous propose de mettre en évidence les unités morpho-syntaxiques des LS dans leur agencement structurel syntaxique. Elle concentre son analyse sur une classe de signes, les signes processifs qui permettent une décomposition des signes en primitives, en opérateurs spatiaux et agentifs. Annie Risler reprend le modèle sémiogénétique de Christian Cuxac et fonde l'hypothèse que sa proposition de décomposition en molécules iconiques permettrait de mieux saisir les structures iconiques envisagées jusqu'alors dans leur globalité. Ivani Fuselier-Souza analyse les processus d'iconicisation en uvre dans la création lexicale. Son étude se fonde sur l'observation de langues des signes en usage chez des sourds isolés, langues qu'elle dénomme Langues des Signes Primaires (LSP). Elle étudie, dans un premier temps, les mécanismes de création et de stabilisation lexicale dans les LSP pour, dans un deuxième temps, engager une comparaison avec deux langues des signes communautaires (la langue des signes française, la langue des signes brésilienne). Elle interroge ensuite le modèle sémiogénétique de Cuxac en centrant son analyse sur le passage de l'émergence à la stabilisation du signe. Agnès Millet a travaillé entre autres, comme je l'ai indiqué plus haut, sur les représentations sociales. Dans ce numéro, elle s'intéresse à la spatialité des LS en reprenant le terme proforme dans son acception syntaxique pour étudier dans un corpus de récit en LSF les fonctionnements en anaphores et cataphores. Elle concentre sa réflexion sur les proformes manuelles et les proformes corporelles qu'elle analyse dans leurs logiques d'agencement spatial et temporel. Agnès Millet dégage ainsi deux procédés complémentaires qui participent à la cohérence du récit : la création de locus (pointages) et le recours à des proformes manuelles et corporelles. Sa proposition théorique se démarque du modèle sémiogénétique de Cuxac par une remise en question de la distinction - sous les termes de la bifurcation des visées : illustrative, non illustrative - de deux sphères linguistiques représentées par le "lexique standard" et les "structures de grande iconicité". Elle pose que ces sphères constituent un "système linguistique unique, cohérent et dynamique". Geneviève Le Corre examine, dans un premier temps, les spécificités sémiotiques de la LSF : la différence de modalité, son incidence sur le mode d'accession au sens, l'ouverture sur les sémiotiques visuelles et la figurativité. Dans un deuxième temps elle analyse comment, malgré ces différences d'ordre structurel et fonctionnel qui opposent la LSF au français, un certain nombre de phénomènes, ponctuels, récurrents, constants, témoignent de rapports qui s'établissent entre les deux langues. Geneviève Le Corre aborde ici la question des rapports intersémiotiques dans le plan diachronique qui n'avaient pas encore été étudiés à ce jour dans le champ de la recherche sur la LSF. Pierre Guitteny étudie, en spécialiste de terrain, le rapport complexe qui est instauré en France entre les questions linguistiques et identitaires. Les aléas de l'histoire, le poids des normes, le jeu des représentations de la surdité, le rôle des institutions, le cadrage politique sont autant de facteurs qui permettent de comprendre la difficulté à être aujourd'hui sourd en langue, sourd en société, sourd en identité. Saskia Mugnier rend compte d'une enquête de terrain effectuée auprès d'enseignants dans le cadre d'entretiens et d'observations de pratiques de classe. Elle aborde la question de la place et du statut de l'éducation bilingue des enfants sourds français. Dans un premier temps de l'analyse ressort clairement, d'une présentation synthétique dynamique, la multiplicité des paramètres qui interviennent dans le succès ou l'échec de la configuration éducative bilingue. Dans un deuxième temps, les interactions bilingues sont étudiées dans leur dynamique interactive. Cette contribution d'actualité montre que la réussite du projet d'éducation bilingue pour les enfants sourds ne passe pas exclusivement par la voie législative. Françoise Bonnal-Vergès recense les dictionnaires de signes du XVIIIe siècle à nos jours. Son article représente une contribution intéressante, éclairée, allant de la lexicographie historique à la dictionnairique contemporaine. Elle propose d'étudier les composantes paramétriques morphémiques des signes en introduisant les notions d'iconon et de phylum. L'iconon est la source, l'image matricielle, la matrice conceptuelle iconique identifiée dans l'étude diachronique. Le phylum est le formant morphémique du signe. La contribution de Françoise Bonnal-Vergès offre enfin et surtout la proposition de nouveaux modèles de dictionnaires bilingues (LSF/français) et unilingues (LSF). Les articles qui composent cette septième livraison de GLOTTOPOL,
réunissent des chercheurs aux ancrages théoriques divers mais partageant
une même implication sociale et scientifique. Leurs approches théoriques
et méthodologiques les distinguent, mais ces singularités ne réussissent
pas à occulter la force des enjeux et le respect du terrain qui caractérisent
ces contributions et les rapprochent.
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Résumés
L'article propose une synthèse des travaux sociolinguistiques entrepris sur la Langue des Signes française depuis une dizaine d'années au sein du laboratoire DYALANG de l'Université de Rouen. Trois axes de recherche, correspondant à des types de discours sont particulièrement étudiés : Identité, Socialisation, Glottopolitique. Les constructions, affirmations, revendications identitaires sont présentées dans leur complexité, leur hétérogénéité. Elles sont analysées dans une mise en rapport avec les enjeux de la socialisation langagière et dans le contexte conflictuel, diglossique qu'entretient historiquement la LSF avec le français. Mots clés : Sociolinguistique - Représentations sociolinguistiques - Identité - Socialisation - Glottopolitique.
Cet article présente
les pistes linguistiques et sémiologiques ouvertes par la problématique
d'une écriture de la LSF. Nous rendons compte des spécificités
sémiologiques et structurelles - notamment l'importance que revêtent
iconicité et spatialisation des relations sémantico-syntaxiques
- qui expliquent l'absence pour les langues des signes d'une authentique forme
écrite. Nous exposons les résultats d'une enquête qualitative
menée auprès de locuteurs de LSF sur leurs usages et pratiques graphiques.
L'analyse permet de déterminer les fonctionnalités à assigner
à une forme graphique de cette langue. A partir de là, nous présentons
les enjeux linguistiques et les options théoriques qui les fondent. L'une
des voies possibles étant celle d'une morphémographie partielle,
nous dégageons deux objectifs majeurs : Mots clés :
LSF, écriture, morpho-phonétique, iconicité, sémiologie,
espaces, base de données, physiologie.
Les signes de procès
en LSF sont constitués par l'expression de paramètres articulatoires
(configuration, emplacement et mouvement des mains, engagement du buste, mimique
et regard) qui réalisent simultanément plusieurs unités morphologiques,
lesquelles forment une structure syntaxique. Mots clés : Morphosyntaxe, simultanéité, procès, modalités énonciatives
Cet article
a pour objectif d'apporter quelques pistes de réflexion concernant les
procédés de construction du dire en langues des signes (LS), notamment
dans le domaine de la création lexicale. L'attention sera portée
sur les principes structuraux et fonctionnels du processus d'iconicisation (Cuxac,
2000) lorsqu'il est activé dans la création des signes gestuels
à visée catégorisante. A partir d'une récente étude
(Fusellier-Souza, 2004) portant sur trois différentes LSP, nous allons,
dans un premier moment, exposer certains mécanismes de création
et de stabilisation lexicale propre aux LSP. Dans un deuxième temps, nous
ouvrons une discussion sur les mécanismes analogues présents en
LSP et dans deux LS communautaire : la LSF et la LIBRAS. A travers les quelques
réflexions présentées ici, nous voudrions renforcer la pertinence
du modèle sémiogénétique en essayant d'examiner de
façon plus approfondie l'hypothèse d'un rapport structural de nature
diachronique entre les structures de grande iconicité et les signes lexicalisés. Mots clés : sémiogenèse des langues des signes, processus d'iconicisation, stabilisation lexicale, relation diachronique, facteurs socioculturels.
Sans négliger les dimensions iconiques des langues gestuelles, on se propose dans cet article de rendre compte du fonctionnement de l'espace et des proformes dans une activité de récit en Langue des Signes Française (LSF). On s'appuie sur une définition strictement syntaxique de la notion de proforme, qui permet de rendre compte de tous les phénomènes d'anaphores et de cataphores, qu'ils soient réalisés par des signes manuels ou par l'investissement corporel du signeur. Au plan syntaxique, on précise les espaces distribués autour du corps du signeur qui permettent d'organiser les relations syntaxiques en distribuant les rôles actanciels grâce au mouvement du verbe. On analyse enfin un récit pour montrer comment la distinction discours/récit se joue sur des espaces construits de façon fort différente mais dans une cohérence iconique globale propre aux langues gestuelles. Mots clés : LSF - syntaxe - discours - proforme - espace - iconicité
En rapport constant avec les langues audio-orales dominantes, les langues signées s'en distinguent nettement, présentant une structure et un fonctionnement qui autorisent leur rapprochement avec les sémiotiques visuelles. Nous examinerons, dans un premier temps, les spécificités sémiotiques de la Langue des Signes Française (LSF) : différence de modalité et mode d'accès figuratif au sens. Nous verrons ensuite comment, malgré les différences d'ordre structurel et fonctionnel qui opposent la LSF au français, un certain nombre de phénomènes, ponctuels, récurrents, constants, témoignent de rapports qui s'établissent entre les deux langues. Caractère alphabétique des mots, rythme d'émission des phonèmes, paronymie et homophonie trouvent une " résonance " dans la structure morphologique et morphosyntaxique de nombreux signes et faits langagiers. Nous examinerons dans quelle mesure ces emprunts faits au français ont, ou non, une incidence sur la structure et sur le fonctionnement du système propre à la LSF. Et surtout, nous verrons comment les exemples présentés peuvent conduire le chercheur à reconsidérer certains présupposés. Mots clés : Langues des signes - intersémioticité - pragmatique - morphosyntaxe
La reconnaissance d'une
langue est liée à celle des personnes qui la portent ; cela
est manifeste pour la langue des signes (LS) et les personnes sourdes. Tant que
celles-ci ont été considérées comme " déficientes
", leur langue a été méprisée. Aujourd'hui, les
sourds se battent donc pour faire connaître leur identité, leur culture,
leur langue - contre les pressions de la normalité portée par le
milieu médical. Mots clés : identité, surdité, langue des signes, pidgin, interlangue
Nous proposons dans cet article une réflexion sur la question de l'éducation bilingue des enfants sourds à travers trois angles d'approches. Dans un premier temps, nous contextualisons la problématique de l'éducation bilingue dans l'espace social en proposant un état des lieux de la situation de la scolarisation des jeunes sourds. La seconde partie de l'article repose sur un travail de terrain réalisé auprès d'enseignants évoluant au sein de classes spécialisées. L'analyse d'entretiens semi-directifs met en évidence les principales difficultés dans la prise en compte, et partant, dans l'élaboration d'un enseignement bilingue. Le troisième volet de cette présentation s'attache plus particulièrement à rendre compte des interactions entre le français et la Langue des Signes Française (LSF) dans la classe. Ces observations montrent notamment l'importance de la prise en compte des pratiques langagières bilingues des enfants. Enfin, nous constatons à quel point ces trois dimensions sont en constantes interrelations et permettent d'expliquer les principaux freins et moteurs à la mise en place d'une éducation bilingue construite. Mots clés : Education bilingue - Bilinguisme - Représentations sociales - LSF
Les
ouvrages contenant des attestations de signes anciens, depuis le XVIIIe
siècle (recueils plus ou moins étendus, prenant, le plus souvent
la forme de Dictionnaires) présentent, en macrostructure, des classements
de type alphabétique, noématique, botanique, qui ont en commun d'entrer
dans des équivalences linguistiques entre français et langue des
signes par le français et, rarement, par les signes (dans ce dernier cas,
les propositions sont quasi-toutes restées à l'état de projet). Mots clés : Lexique, dictionnaires, lexicographie historique, étymologie, iconicité, phylogenèse, iconon, phylum, matrice iconique, famille, morphosémantique, VLSF
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