Revue de sociolinguistique en ligne | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
N°34 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Sommaire
ISSN : 1769-7425 |
« Langues de France ». Au-delà du symbolique ? par Christian LagardeFaire le point, deux décennies après sa publication, sur les effets du Rapport et de la liste Cerquiglini, tel est l’objet de ce dossier. Outre cette présentation, il se compose de deux entretiens et de onze articles. Les entretiens, qui sont le fait de responsables politiques, sont un précieux contrepoint aux analyses d’universitaires à la fois rigoureux et engagés – comme tout humaniste devrait l’être – dans la défense de la diversité linguistique. Ces entretiens nous ont été accordés par Bernard Cerquiglini lui-même, l’initiateur, qui dans un discours à la fois feutré et assumé, fait retour sur la trajectoire de son texte de 1999 ; par son actuel successeur au poste de Délégué Général en charge de la DGLFLF, Paul de Sinety, qui vise à établir un bilan officiel des actions menées par l’organisme dont il a la charge. Les onze contributions, qui n’ont pas la prétention de rendre compte de l’ensemble du champ des « langues de France » – vaste panorama qu’a relevé le défi de décrire, sur plus de 800 pages, la récente Histoire sociale des langues de France (2013), dirigée par Georg Kremnitz – émanent d’universitaires reconnus en tant que spécialistes du droit ou de la jurilinguistique, de l’histoire et de l’histoire culturelle, et principalement de la sociolinguistique, davantage du point de vue macro que micro.L’ambition, dont le lecteur dira si elle a été ou non tenue, était, d’une part, de reconstituer, dans une perspective globale, les processus à l’œuvre et l’impact des discours et des interventions réalisées sur la période ; d’autre part, de dégager certaines spécificités contextuelles ou consubstantielles à telle ou telle langue, à tel ou tel territoire. Ainsi, à côté des langues régionales « classiques » que sont le breton ou le corse, néanmoins revisités, on y aborde le sort des multiples langues ultramarines (particulièrement les polynésiennes et kanak), plus ou moins en rupture avec l’État-nation, celui des langues transfrontalières, à travers le platt (ou francique), ou des langues non territorialisées, comme l’arabe, objet de contorsions définitoires et de problématiques d’intégration des plus sensibles.
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Résumés
Le contexte historique de la genèse de la liste Cerquiglini : elle est commandée dans la perspective d'une ratification imminente de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. La situation après l'échec de la ratification de la Charte. Les choix de Cerquiglini, les points où il dépasse les lignes de la Charte. L'accueil fait à la liste. La suite des échecs de la politique française en ce qui concerne la promotion des langues dominées. Les injustices de la politique française dans ces domaines. Mots-clés : Charte européenne des Langues régionales et minoritaires ; liste Cerquiglini ; Conseil constitutionnel ; les impasses de la politique française en ce qui concerne les droits de l'homme.
Au départ, le lien entre les notions de "langue régionale" et de "langue et culture régionales" est examiné en partant des textes à caractère juridique dans lesquels elles sont apparues et ont évolué depuis le milieu des années 1960. La notion de "langue régionale", à partir et autour de laquelle se sont maintenues les orientations de politique linguistique en France à l'égard des langues minoritaires qui y sont historiquement implantées, est approchée à travers un certain nombre de propriétés définitoires et afférentes. Celles-ci renvoient à la configuration proprement française où le sème subordonnant "régional" prend tout son sens. Par ailleurs, une relation particulière entre la langue régionale et le couple culture - patrimoine se dégage, comme dans d'autres pays d'Europe, quoiqu'avec une affirmation réitérée de la fusion dans le patrimoine national. De là, le passage, au début des années 2000, vers la notion de "langues de France", plus large car s'appliquant également à des langues "sans territoire" historiquement présentes en France et, à ce titre, également constitutives de son patrimoine, a attesté une lecture critique du lien territorial au vu de la dynamique moderne des populations. Pour autant, l'introduction en 2008 dans la Constitution d'une mention à ces langues minoritaires de France a consacré la référence aux notions de langue régionale et de patrimoine national. mots-clés: Langue régionale, langue et culture régionales, langue de France, territoire, patrimoine, éducation nationale, Constitution.
L’étude se propose, sous le prisme du droit comparé, d’analyser le traitement réservé par les constitutions européennes aux langues régionales. Techniquement, l’intérêt de la constitutionnalisation d’une reconnaissance, protection, voire promotion, est d’être d’un niveau supérieur à celui de la loi, d’où un statut renforcé. Symboliquement, l’insertion des langues régionales dans la Constitution, texte suprême fixant les grandes règles relatives au fonctionnement de l’état, est un signal de leur importance au sein de la société organisée. L’étude comparative permet de distinguer d’une part les constitutions qui sont indifférentes aux langues régionales, et d’autre part, celles qui leur offrent, à des degrés divers, des formes de reconnaissance. Reconnaitre le plurilinguisme de la société ou imposer l’unilinguisme de l’état au niveau constitutionnel entraine des conséquences concrètes pour la pratique des langues régionales au quotidien. La catégorisation à laquelle parvient le comparatisme ne doit néanmoins pas effacer les nuances qui existent d’un système à un autre. Mots-clés : Statut constitutionnel des langues régionales. Justice constitutionnelle comparée. Plurilinguisme de la société. Unilinguisme d’état. Langue officielle. Co-officialité des langues. Statuts d’autonomie des régions. Indivisibilité de la République. Unicité de la langue française. Jacobinisme. Langue corse.
L'article porte sur un corpus de plusieurs centaines de pages de débats, à l'Assemblée nationale ou au Sénat concernant langues régionales, notamment au moment des discussions de 2008 sur la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, mais aussi à propos de propositions de loi spécifiques ou plus générales – par exemple, la Loi école dite "Peillon" en 2013. Les auteurs se penchent d'abord sur les questions juridiques liées à ces débats avant d'étudier ce qui leur semble fondamental, à savoir la question idéologique. Mots-clés : langues régionales, Sénat, Assemblée nationale, charte européenne
Il s’agit dans cet article d’évoquer la question des langues dites « régionales » ou « de France » vingt ans après la présentation du rapport Cerquiglini (1999). Quelles évolutions pouvons-nous constater ? Quels bilans peuvent être établis ? Pour tenter de répondre à ces interrogations, nous nous intéressons d’abord à la question nominative tant celle-ci apparait révélatrice des différentes perceptions et traduit en grande partie les orientations des politiques linguistiques. À travers ce cheminement, nous identifions un processus de « déterritorialisation » des langues dites « de France ». Partant de là, nous cherchons à observer plus précisément ce mouvement comme une sorte de « nationalisation » des langues non-étatiques qui s’est intensifiée depuis un peu plus de deux décennies. Enfin, nous analysons une éventuelle « contre-politique » liée à la tentative d’officialisation du corse menée par l’Assemblée de Corse depuis 2013 notamment. Cette analyse s’inscrit dans un contexte où l’on constate une opposition entre différents gouvernements successifs et un pouvoir territorial. Mots-clés : « langues de France » ; « langues régionales » ; langues minorées ; langues non-étatiques ; état ; nationalisation ; déterritorialisation ; co-officialité ; conflit lingusitique ; Corse.
En ce début de XXIe siècle la langue bretonne est à la croisée des chemins : elle bénéficie d’une visibilité jamais atteinte auparavant, mais parallèlement sa transmission intergénérationnelle est devenue l’une des plus faibles parmi les langues dites régionales. Dans cet article nous examinons cette visibilité qui prend naissance dans les années 80, notamment avec la mise en place d’une signalisation bilingue. C’est aussi en 1977 que les écoles immersives Diwan furent créées, posant clairement le problème de la transmission intergénérationnelle. Tout ce militantisme s’appuyait sur une mémoire linguistique liée à l’abandon massif de la transmission de la langue dans les années 60. Plus tard, ce même militantisme, permettra la création de l’Office Public de la Langue Bretonne en 1999 (devenu EPCC de la Région Bretagne). L’Office est aujourd’hui la vitrine de la politique linguistique de la Région, en coordonnant et en impulsant. Nous examinons la place et l’organisation des « communautés linguistiques impliquées dans le processus de revernacularisation : rôle de structures comme les Ti ar Vro, rôle des réseaux sociaux (milieux (néo-)urbains, (néo-)ruraux). Une partie des conclusions que nous donnons repose sur nos enquêtes personnelles. La question se pose aussi du cadre juridique dans lequel les locuteurs peuvent être acteurs de la transmission, de la pérennisation et du devenir linguistique de leur propre langue (ou langue seconde, s’il s’agit de récupération linguistique). La ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires par la France est-elle toujours d’actualité, et quelle en serait la portée ? L’affaire du ñ (prénom Fañch), que nous évoquons en annexe, montre que les blocages ne sont pas près d’être levés. Mots-clés : langue bretonne, transmission intergénérationnelle, communauté linguistique, statut des locuteurs, langue patrimoine vs langue d’usage
Les langues d’outre-mer sont régies en droit français tant par les dispositions générales relatives aux langues régionales que par les dispositions spécifiques relatives au statut des territoires dans lesquels elles sont en usage. Mais aucun de ces régimes juridiques ne leur offre une protection efficace. La notion de « langues de France » apparue il y a vingt ans n'a pas produit beaucoup d'effets. Pourrait-elle devenir une catégorie juridique ouvrant la voie à la reconnaissance de droits linguistiques ? Outre-mer, ces droits linguistiques seraient des préalables nécessaires à l’exercice effectif d’autres droits fondamentaux (notamment en matière d’éducation, de santé, de justice). Mots-clés : Outre-mer – Droits linguistiques – Caractère facultatif de l’enseignement des langues régionales – Créoles
Inscrites dans le rapport « Les Langues de la France » de Bernard Cerquiglini (1999), les langues autochtones de Polynésie française et celles de Nouvelle-Calédonie sont désormais, aux yeux de l’état, des « langues de France ». Cette dénomination ne va cependant pas de soi en contexte colonial et/ou postcolonial. L’article rappelle les dynamiques locales débutées dans les années 1970 qui ont conféré aux langues kanak et polynésiennes, au sein de leurs contextes sociolinguistiques respectifs, une reconnaissance institutionnelle singulière et tout aussi significative que celle que leur apporte, au niveau national, leur inscription sur la liste des « langues de France ». L’article revient ensuite sur cette dénomination qui n’est jamais utilisée dans l’espace public polynésien ou calédonien, car, par l’appropriation surplombante qu’elle dénote, elle parait contredire le processus de décolonisation dont la reconnaissance des langues autochtones est devenue un des symboles emblématiques. Mots-clés : langues polynésiennes, langues kanak, langues de France, décolonisation.
Plus de vingt ans après la parution du rapport Cerquiglini sur les langues de France, le propos de cet article est de montrer que l’arabe de France est une langue au même titre que les autres variétés maghrébines, d’en montrer la véhicularité, ce en quoi certains réseaux sociaux lui sont propices, mais également sa fonction dans transmission de l’identité, et le fait que son statut particulièrement dévalorisé en fait souvent un vecteur d’insécurités linguistique et identitaire. Mots-clés : arabe de France, plurilinguisme, migration, représentations, identité, réseau, insertion
Cette étude se veut une lecture d'un processus de prédation linguistique assumé apparemment sans état d’âme dans le cadre de la réforme du baccalauréat présentée en 2019, à l’Assemblée nationale et au Sénat. C’est en tout cas l’analyse que son auteur fait des bouleversements majeurs introduits dans le diplôme consacrant la fin des études secondaires et offrant, en partage désormais avec le dispositif parcoursup, le sésame d’entrée à l’université. Pour étayer sa démonstration, il procèdera tout d’abord à l’examen d’un texte capital, la circulaire de Monzie, puis reviendra sur les principales évolutions positives. Le texte fondamental du ministre de l’instruction publique offre en outre l’avantage d’exposer des prémisses qui font non seulement écho aux discours de Barère et de Grégoire mais qui instillent également leur présence discrète chez des auteurs contemporains : on veut parler ici du rapport Cerquiglini ou encore du positionnement du philosophe Vincent Descombes. Mots-clés : langues régionales, politique linguistique, diglossie, minoration, individualisme
L’article, très documenté, commence par un rappel des contenus essentiels du Rapport Cerquiglini (1999), censé aider à la compréhension de la Charte des langues d’Europe (1992) et montrer ses retombées dans le contexte français, avant les débats politiques qui l’ont suivi. Puis l’auteure décrit l’entrée en scène du francique, langue de Lorraine et d’Europe, dans l’arène politique, analyse sa situation actuelle dans un paysage sociolinguistique national et international éclairé par la Charte et le Rapport. Elle y soutient ensuite, par des références précises aux discours, pratiques et institutions récoltés sur le terrain, que les Langues de France peuvent se passer de la ratification de la Charte, tout en profitant de la visibilité qu’elle leur a offerte. Elle souligne enfin, à côté du point de vue transfrontalier, la nécessaire prise en compte conjointe des langues locales et d’immigration et l’ouverture maintenant partagée à la variété et la pluralité linguistiques. Mots-clés : colonialisme, pluralité linguistique, francique, politique linguistique ,
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