Revue de sociolinguistique en ligne | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
N°4 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Sommaire
ISSN : 1769-7425 |
Avant-propos par Marie-Louise MoreauQue les frontières étatiques ne coïncident généralement pas avec les frontières linguistiques est une évidence. Si on en doutait, les huit études réunies dans ce numéro de Glottopol, consacrées pourtant à des aires linguistiques variées, en apporteraient de multiples illustrations. Il reste à s'interroger notamment sur les raisons de cet état de fait, sur l'impact du linguistique en matière de délimitation territoriale et de politique générale, et sur la manière dont les frontières étatiques peuvent moduler parfois le champ du linguistique, dans les pratiques et les opinions. 1. Les raisons de la non-coïncidence Il
est loisible, pour mieux réfléchir sur les phénomènes,
de distinguer deux catégories de situations, étiquetables en termes
d'" avant " ou d'" après " : ou bien les langues préexistaient
aux frontières politiques, ou bien elles se sont implantées après.
On verra toutefois que bien des cas participent des deux catégories. 2. L'impact des frontières linguistiques sur le politique Les frontières linguistiques, en ce qu'elles enclosent
des communautés, contribuent à les définir, à les
distinguer des communautés environnantes. Alain Viaut, dont la contribution
théorique pourrait en fait être évoquée pour chacun
des points de cet avant-propos, fournit divers exemples de situations où
l'on voit le politique chercher à faire coïncider ses propres délimitations
avec les découpages linguistiques. Ainsi en va-t-il, en Belgique, pour
l'essentiel du moins, des frontières qui distinguent désormais la
Région de Bruxelles, la Région flamande et la Région wallonne,
et qui dictent notamment la langue dans laquelle l'Etat (l'administration en particulier)
et les citoyens doivent interagir. 3. L'impact des frontières politiques sur le linguistique Les Etats qui se partagent une même langue ne pratiquent
pas nécessairement la même politique linguistique [2].
D'un côté de la frontière, la langue a un statut officiel,
elle est perçue comme légitime dans tous les contextes, y compris
à l'écrit, y compris dans des cadres formels. De l'autre côté,
elle ne bénéficie d'aucune reconnaissance, ou d'une reconnaissance
minimale, elle est considérée comme un dialecte, son emploi, essentiellement
oral, est limité au contexte non formel. Il n'y a rien d'étonnant
si les représentations des utilisateurs diffèrent sensiblement selon
qu'ils sont d'un côté ou de l'autre de la frontière. Mais
comme les représentations conditionnent l'emploi des langues, la plus ou
moins grande propension des locuteurs à les utiliser dans divers contextes,
leurs revendications en matière d'emploi des langues dans les médias,
dans l'enseignement, sur les lieux de travail, etc., ce peut être même
la survie de la langue qui se dessine différemment dans les divers pays.
Le pronostic, s'agissant de la survie du francique, est différent ainsi
selon la région considérée. On voit mal pourquoi il s'effriterait
au Grand-Duché, où il a acquis statut de langue nationale, est perçu
par les individus comme lié à leur identité et jouit d'une
belle image. Il est en revanche menacé en Belgique et en France, où
il n'a guère de visibilité dans le domaine formel, ne bénéficie
que d'un faible soutien de la part des Etats, ne profite pas d'une même
aura de légitimité identitaire, et se trouve concurrencé
par le français. Sa position en Allemagne se décrit encore différemment
: là-bas, c'est avec une langue apparentée qu'il coexiste, et la
culture germanophone parait considérer les rapports entre langue et dialecte
plus sur le mode de la complémentarité que de la concurrence (voir
les contributions de Fernand Fehlen, et de Rispail et Moreau). Ce rapide examen, qui n'a pas pris en compte les frontières internes des langues (dont parle Alain Viaut), qui n'a pas abordé la manière dont les scientifiques peuvent gérer le caractère flou des délimitations linguistiques (rappelé par la plupart des contributions), qui a laissé de côté la manière dont les communautés nationales conçoivent la langue de leurs voisins (le point est étudié par Isabelle Léglise), etc. indique à tout le moins que cette thématique des frontières permet des approches diversifiées, et qu'elle constitue un poste d'observation particulièrement intéressant si on se préoccupe d'étudier l'impact des politiques linguistiques. [1] Pour l'autre partie, on doit remonter à la période coloniale, où cette région était sous le contrôle de colons portugais. La situation participe donc à la fois de la catégorie " avant ", et de la catégorie " après ". [2] On pourrait compléter " ou de l'absence de politique linguistique ". Mais on sait que le fait de ne rien décider au niveau politique quant à la gestion des langues est aussi une politique linguistique (Baggioni, 1996 ; Calvet, 1982 ; Chaudenson, 1996). Bibliographie BAGGIONI
D., 1996, La " planification linguistique par défaut " dans la
gestion du plurilinguisme après les indépendances : politiques linguistiques
" in vivo " ou " in vitro " ? dans Juillard C., Calvet L.-J.
(éds), Les politiques linguistiques, mythes et réalités,
FMA, Beyrouth, pp. 23-29.
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Résumés
La contribution présentée ici est une approche typologique de la notion de frontière linguistique. Après avoir constaté la variabilité spatiale des ensembles que cette dernière est susceptible de circonscrire ainsi que son lien fort avec les identités nationales et régionales, sa description comme paradigme de différentes limites externes et internes est proposée. La frontière linguistique est ainsi vue comme une macro-notion comprenant une "exofrontière" regroupant les premières de ces limites, et une "endofrontière" caractérisée par les secondes. Un premier développement de l'"exofrontière" linguistique est ensuite proposé en relation avec la frontière politique et en tenant particulièrement compte des langues minoritaires. Cela concerne divers types de langues territorialisées, répandues. Il est enfin remarqué la relativité de la frontière linguistique, de la frontière "ligne", principalement évoquée dans ce texte, à la frontière "espace", déclinable en aire, front et zone, liée à la première et présentant des caractéristiques propres demeurant à préciser. Mots clés : langue minoritaire, variation, dialecte, standardisation, identité, nation, région, construction nationale, autonomie.
Contre toute tentation d'une explication essentialiste de la dynamique des langues, l'étude que nous proposons apporte la preuve de la pertinence d'une approche sociolinguistique : le même dialecte, le francique mosellan moyen, évoluera de façon différente selon que ses locuteurs sont les citoyens d'un Etat indépendant, le Luxembourg, ou qu'ils appartiennent à une région reculée d'un grand pays. Leur vernaculaire évoluera de façon différente, s'il est le dialecte d'une langue nationale et dominé par celle-ci, comme en Allemagne, ou s'il est doublement dominé comme dialecte d'une langue minoritaire dominée comme en Belgique et en France. Deux des quatre territoires seront traités en profondeur : pour le Luxembourg, nous ferons l'historique de l'accession du luxembourgeois au statut de langue nationale et nous présenterons son marché linguistique multilingue ; pour la Lorraine, nous contesterons la position qui veut faire du francique une langue millénaire. Mots
clés : francique mosellan moyen, luxembourgeois, marché linguistique,
politique linguistique, frontières.
Quelle connaissance
des individus bilingues ont-ils à propos des différentes variétés
de leurs langues ? Dans quelle mesure parviennent-ils à identifier la provenance
géographique des locuteurs ? Quel rôle joue le statut des langues
dans ces capacités de reconnaissance ? Pour nous aider à répondre
à ces questions, des auditeurs bilingues francique / français de
Belgique, en France et au Luxembourg, ont été invités à
déterminer l'appartenance nationale de locuteurs belges, français
et luxembourgeois, enregistrés en français et en francique. Mots clés : francique, français, variation linguistique, accent, homogénisation linguistique, identification, plurilinguisme et frontières, identité, représentations, méthodologie d'enquête.
Les Pyrénées
méditerranéennes ont constitué de longue date l'enjeu de
conflits d'intérêts entre nations formées au nord (empire
Franc, Royaume de France et République française) et Etats méridionaux
(possessions arabo-musulmanes, mouvance aragonaise et catalane, Castille). Au
bout du processus, les départements français de l'Aude et des Pyrénées-Orientales,
écartelés entre ces deux ensembles, ont pour caractéristique
de constituer une zone de contact entre deux langues romanes de grande notoriété
: la langue d'oc et le catalan. En outre, à ce contact entre deux langues
dites aujourd'hui " régionales ", se superpose un deuxième
type de contact, entre français et castillan cette fois. Mots clés : Sociolinguistique, usage des langues,
frontières de langues, frontières d'États, Pyrénées,
langues régionales, catalan, languedocien, français, castillan.
La frontière, en tant qu'élément constitutif de toute subjectivité, est une dimension inhérente à la perception des phénomènes langagiers par les locuteurs. Ainsi, dans les discours épilinguistiques, cette notion trouve des métaphorisations plurielles selon les positionnements subjectifs de chacun en fonction des données politiques, sociales, idéologiques, familiales, contextuelles, etc. Dans le cas d'une mise en frontière nationale comme celle de la Catalogne française, la dimension de territorialisation en lien au politique (dimension régionale et/ou nationale), entraîne des discours homogénéisants. Toutefois la "mise en mots" de la frontière dans les discours reste fluctuante. A partir d'un petit corpus d'interactions entre des étudiants catalans et leurs proches, cet article vise très modestement à ouvrir quelques pistes quant à la problématique de la frontière nationale. Mots clés : catalan, discours épilinguistiques, idéologie, frontière, subjectivité.
Cet article interroge l'influence des frontières sur les répertoires linguistiques d'enfants scolarisés, sur leurs souhaits d'apprentissage et leurs attitudes linguistiques, en particulier par rapport aux langues de l'immigration. Il se base sur une large enquête en milieu scolaire menée en Guyane française et compare les résultats obtenus dans deux situations frontalières : St Georges de l'Oyapock, à la frontière du Brésil et St Laurent du Maroni, à la frontière du Surinam. Il montre comment la situation frontalière des lieux d'enquête, associée à d'autres critères, modifie largement, dans certains cas, des données macrosociolinguistiques (hiérarchie des langues dans les échelles de valeur, transmission familiale des langues, véhicularité etc.), et comment, dans d'autres, elle semble jouer un rôle mineur. Mots clés : Sociolinguistique, Guyane, langues frontalières, langues régionales, langues de l'immigration, vernaculaires, véhiculaires, école.
Jusqu'aux dernières
décennies, sous l'influence des écoles philologiques traditionnelles
espagnoles et de la Real Academia de la Lengua de Madrid, la grande majorité
des études linguistiques consacrées à la langue espagnole
en Amérique a porté sur des thèmes classiques tels que les
variantes régionales. L'introduction vers 1950 de la notion de "contact"
dans le domaine de la linguistique a ouvert le champ à de nombreuses études
sur les bilinguismes et sur l'influence qu'une langue peut avoir sur une autre
avant tout par les emprunts que celle-ci lui fait. Elle a également permis
de constater que contrairement à un certain nombre d'idées reçues,
le panorama linguistique de l'Amérique latine, loin d'être homogène,
se caractérisait, entre autres, par la cohabitation de l'espagnol avec
de nombreuses variétés linguistiques souvent non fixées.
C'est ainsi que l'on a commencé à s'intéresser aux phénomènes
de contacts de langues dans les zones frontalières comme la région
uruguayo-brésilienne dont le panorama linguistique met en scène,
dès la moitié du XIXe siècle, un recul de l'espagnol au profit
d'une interlangue connue sous le nom de portuñol. C'est précisément
sur ce parler que nous allons nous pencher afin de montrer que l'Uruguay, dans
sa quête de l'unification linguistique, a toujours pratiqué des politiques
linguistiques fondées sur le mode de la non-intervention. Mots clés : Uruguay, langue(s), culture(s), Amérique latine, politique(s), aménagement, linguistique, Etat(s), nation(s), dialecte, portuñol, fronterizo, D.P.U.
L'extension des variétés
de français en Afrique ne correspond pas toujours au découpage précis
mais souvent arbitraire des frontières politiques : tous les mots ne sont
pas des statalismes enfermés dans les limites d'un Etat-nation. C'est,
au contraire, des ensembles culturels régionaux ou panafricains qui déterminent,
avec une précision parfois toute relative, les contours diatopiques de
nombreuses variantes, et par suite, ceux plus relatifs encore des variétés
de français. L'extraction des lexies communes à plusieurs pays,
basée sur la comparaison des différents inventaires lexicaux publiés
à ce jour, permet de mesurer le hiatus entre les frontières politiques,
produit d'une décision, et le corpus des variétés, produit
des usagers en relation avec leur environnement spécifique. Mots clés : Afrique, frontière, culture, variété, variante, statalisme, dichotomie, continuum.
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